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Comores : un ténor de l’opposition appelle à une désescalade politique

L’ancien gouverneur de la Grande-Comores, Mouigni Baraka Said, estime qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à "ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise". Une démarche mal digérée par les autres opposants qui refusent tout dialogue avec le président Azali Assoumani depuis son élection le 24 mars 2019.

Assiste-t-on à un tournant dans les rapports exécrables entre le pouvoir et l’opposition aux Comores ? Difficile de l’attester pour l’instant. Mais une démarche entreprise ces derniers temps par l’un des ténors de l’opposition politique semble aller dans ce sens malgré le refus de tout dialogue prôné par d’autres opposants au pouvoir à Moroni.

Une réception mal digérée par les autres opposants

L’ancien gouverneur de la Grande-Comores (2011-2016), Mouigni Baraka Said Soilihi, estime, pour sa part, qu’il est temps de dialoguer avec le président Azali Assoumani dans l’intérêt du pays et de la population. « La situation économique est de plus en plus tendue avec la vie chère et l’inflation que connaissent le pays et les Comoriens« , a-t-il souligné à Al-watwan. Il était reçu en audience le 10 septembre dernier au palais de Beit-salam par le président. Une réception mal digérée par ses compagnons de lutte.

« C’était l’occasion d’aller dire au chef de l’Etat les quatre vérités en tête à tête en comptant des doigts les dérives de son régime sur les plans institutionnels, judiciaires et économiques sans oublier sa propre responsabilité individuelle« , a-t-il clarifié lors d’un meeting dans son fief en présence d’une foule immense. « Nous lui avons signifié qu’un dialogue ne sera jamais possible sans la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés« , a-t-il ajouté, précisant que « nous ne sommes pas allés mendier des postes car nous avons choisi dès le début de faire partie de l’opposition« .

L’homme politique se reconnait toujours dans l’opposition mais s’oppose toutefois à « ces querelles sans fin et sans véritable perspectives de sortie de crise« . Il ajoute : « Je suis et reste le leader de l’opposition », martèle-t-il, tout en rappelant que ‘l’intérêt de la Nation prime » et qu’il « faut encourager et accepter le dialogue », insistant encore « qu’accepter l’invitation à Beit-Salam n’enlève et n’altère en rien nos positions ».

La démarche de Mouigni Baraka Said Soilihi a été mal digérée par les autres opposants au président Azali Assoumani qui refusent tout dialogue avec ce dernier depuis l’élection du 24 mars 2019. Un autre ancien gouverneur de la Grande-Comores (2016-2019), Hassane Hamadi, le leader du parti Ridja, Said Larifou, ont vivement dénoncé « la démarche solitaire » de leur collègue et réaffirmé « notre refus à tout dialogue avec le président Azali« , estimant, en conférence de presse à Paris, que « le régime continue à faire fi des lois, à étouffer les libertés démocratiques et à ignorer nos revendications » dont « le retour à l’ordre constitutionnel, la libération des prisonniers politiques et la lumière sur les personnes emprisonnées ».

Aux Comores, l’opinion semble divisée sur la démarche de l’ancien gouverneur. D’un côté, ceux qui y voient « une fenêtre » pour mettre fin à ces malentendus qui risquent de faire le lit de l’instabilité politique et boucher toutes les voies qui pourraient aider à la réconciliation de la classe politique, à la cohésion et au développement du pays. De l’autre, ceux qui y voient « une manœuvre » pour affaiblir le combat des mouvements et groupements politiques qui luttent contre le pouvoir et empêcher « un dialogue sincère » pour sortir le pays des véritables maux qui le rongent.

L’ancien gouverneur a justifié son choix de rencontrer Azali Assoumani

Les élections de 2024 en ligne de mire

La rupture du dialogue entre le pouvoir et l’opposition, (regroupée essentiellement autour du parti Juwa de l’ancien président Sambi et d’opposants installés en France et à Dar Es Salam en Tanzanie) date de mars 2019. Les candidats malheureux à l’élection présidentielle avaient dénoncé « de bourrage d’urnes le jour du vote » et avaient appelé, le dimanche 24 mars à 14h, leurs militants à « saccager les bureaux de vote et à s’emparer des urnes par tous les moyens« . Les candidats créent le Conseil national de transition (CNT), le 25 mars qui sera alors dirigé par Mouigni Baraka Said Soilihi.

Des manifestations anti-régime avaient été régulièrement organisées aux Comores et surtout en France. En mai 2019, le président Azali Assoumani, a enclenché un processus d’apaisement politique en accordant la grâce présidentielle à près d’une vingtaine d’opposants politiques emprisonnés pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » ou acte de déstabilisation et d’atteinte à l’ordre public.

Un dialogue politique inter-Comoriens avait été organisé en février 2022 et a débouché sur une refonte du cadre juridique des élections et une clarification du statut de l’opposition politique, entre autres annonces. Des rencontres sont organisées avec des opposants.

Le parti au pouvoir, par la voix de son secrétaire général, Youssoufa Mohamed Ali a salué rencontres, estimant, dans un communiqué, que ces « les échanges quasi réguliers avec des personnalités politiques sont autant de signaux forts de l’esprit de responsabilité qui anime le président de la République dans sa volonté d’ouverture politique ».

La réception de ce ténor de l’opposition entre dans le cadre des rencontres entre le président Azali Assoumani et la classe politique à onze mois de la convocation du collège électoral en vue des élections de 2024. Le dépôt des candidatures devrait, sauf cas de force majeure, intervenir au mois d’octobre 2023. Objectif des rencontres : échanger sur le cadre général des nouveaux mécanismes de gestion du prochain processus électoral avec en toile de fond la désignation des membres de la future commission nationale électorale.

A.S.Kemba, Moroni

 

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