Face au fléau des bandes organisées, entité mouvante qui semble se fondre dans le décor, la population a peur. Qui sont-ils ? Que veulent ces jeunes dont les équipements de base, chombo et cagoule, les rendent menaçants et non identifiables ? Pour le savoir, il faut faire du cas par cas, en allant au contact, notamment de leur famille. C’est l’objectif d’une action dont la compétence relève du conseil départemental, la « prévention spécialisée ».
Son action repose sur un travail de proximité avec des jeunes de 16 à 25 ans qui, du fait de leur situation sociale défavorisée ou de leur mode de vie, se trouvent ou risquent de se trouver en marge des circuits d’intégration sociale. Le précédent élu chargé de l’action sociale, Issa Issa Abdou l’avait initiée, son successeur Madi Moussa Velou, la muscle.
Pour y arriver, le Département agrée des associations en les finançant. Mais l’impact attendu n’est pas toujours atteint, notre quotidien de violences juvéniles est là pour nous le rappeler. Nous avons donc demandé à Madi Velou de nous dresser un tableau à l’instant T de cette prévention spécialisée dont il a la charge : « Il s’agit d’identifier les jeunes et leurs familles, et de proposer une solution vers l’emploi, la formation ou bien, lorsque des méfaits sont commis, de les dénoncer. Le conseil départemental finance à hauteur de 4 millions d’euros par an. »
« Sur une partie de l’île, c’est la catastrophe »
Mais jusqu’à présent, pas de compte à rendre du côté des associations qui engrangeaient ces subsides sans contrôle. C’est pourquoi une des premières décisions de l’élu fut de mettre en place une cellule dédiée au suivi des subventions avec le recrutement de 6 inspecteurs et contrôleurs, pour des opérations qu’il souhaite voire menées avec la préfecture, « pour que nous ne soyons pas taxés de favoritisme ».
A ce propos, une réunion était prévue de longue date avec l’ensemble des associations il y a quelques jours, autour des deux pôles, le groupe de médiation citoyenne (GMC), qui est cofinancé avec la préfecture, et la médiation spécialisée, financée par le CD. Mais toutes ne sont pas venues, déplore Madi Velou : « Nous voulions faire le point car le travail sur les jeunes est déficient sur certaines zones. Ça fonctionne dans le Nord-Ouest de l’île, et autour de Kahani, mais pas sur Bandrele, Mamoudzou, Koungou et Petite Terre. C’est même la catastrophe. Or, les associations du groupe de médiation citoyenne comme Mlezi, des associations de Tsingoni et de Kawéni, ne sont pas venues. Alors qu’on leur alloue un million d’euros par an ».
Contactée, l’association Mlézi nous informe qu’aucun dirigeant n’était disponible à cette date, sa directrice par intérim étant en vacances. Dahalani M’Houmadi n’a pas encore été remplacé.
Un partenariat menacé
Les zones citées sont précisément celles qui sont touchées par une forte délinquance. Il se réjouit par contre de l’action d’autres associations, « la Croix rouge, Fahamou Maecha ou Apprentis d’Auteuil sont venus en force à cette réunion de point d’étape. »
Très déçu de l’attitude de certains, Madi Velou appelle les deux pôles à travailler ensemble, « si ça ne va pas dans le bon sens, nous arrêterons le partenariat. Longtemps, la préfecture a été chef de file, mais le conseil départemental s’y est mis, personne ne doit travailler dans son coin ».
Surtout que pour lui, le dispositif fonctionne, « on le voit sur une partie de l’île, on obtient des résultats. »
Mais les jeunes à accompagner en prévention de la délinquance sont de plus en plus nombreux, « nous avons des défis énormes à relever. Et si nous avons prévu un doublement des effectifs sur l’action sociale, nous ne pourrons financer seul ces actions. Il faut que nous captions des fonds européens. »
Autre difficulté selon lui, les compétences, « il faut que nous amenions davantage de professionnalisation dans ces groupes de médiation citoyenne, avec de vrais médiateurs de rue qui connaissent le métier, il y a encore trop d’amateurisme. »
Elu depuis un peu plus de deux ans, celui qui est aussi directeur d’un CCAS dit « y croire. Quand on y met de la volonté et des moyens, ça fonctionne ! »
Anne Perzo-Lafond