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La musique à Mayotte, des retards mais aussi « un enjeu pour l’avenir »

Philippe Thiellay, président du centre national de la musique, termine ce mardi une visite de trois jours à Mayotte. S'il y voit 'beaucoup à faire", cet ancien cadre du ministère de l'outre mer voit dans la musique et les traditions locales un vrai levier économique qu'il faut aider à développer.

Philippe Thiellay, vous revenez à Mayotte après près de 20 ans, qu’est ce qui motive votre visite aujourd’hui comme président du centre national de la musique ?

« Pour moi c’est un retour à Mayotte, j’ai été il y a longtemps conseiller du ministre de l’outre mer, donc j’étais venu dans la fin des années 90 et le début des années 2000, c’est déjà un vrai plaisir de revenir à Mayotte. Le centre national de la musique est un établissement public de l’Etat, créé le 1er janvier 2020. Dès le premier jour, j’ai voulu que notre établissement ait une action en faveur des collectivités d’outre mer et notamment celles qui sont les plus proches en termes de droit, donc les 5 départements et régions d’outre mer. On a monté un comité stratégique outre mer où il y a des Mahorais et ce comité a mis sur pieds pendant la crise Covid un plan d’urgence d’un million d’euros dont bénéficient des structures mahoraises. En effet la musique est un facteur d’accomplissement et d’épanouissement personnel mais aussi d’investissement et d’activité économique. Pour une île comme Mayotte qui est dans l’océan Indien et au contact de l’Afrique, c’est aussi pour la France un enjeu de rayonnement. Le CNM, par toutes ses compétences, peut aider les professionnels de la musique à Mayotte à se structurer, à se professionnaliser. Alors on sait qu’il y a à Mayotte des tas d’autres problèmes plus sérieux en première analyse que le développement de la musique, mais ma vision, c’est qu’il ne faut pas faire venir la culture après tout le reste, il faut que les choses avancent ensemble. Je suis donc venu voir où en est la culture à Mayotte, s’il y a une volonté politique, et si nous au CNM on pouvait aider pour les années à venir.

La volonté politique, est ce que vous la voyez, et comment utiliser ce million ?

Le CNM est un établissement national qui travaille pour ceux qui font au quotidien. Le CNM associe les collectivités territoriales, avec des compétences qui vont de l’aide à l’écriture, jusqu’à la diffusion sur scène ou sur les plates-formes de streaming ou les disquaires. La question c’est est ce qu’il y a des acteurs locaux privés ou publics et est ce qu’il y a cette volonté ? Ce que je vois depuis hier (dimanche NDLR), c’est qu’il y a beaucoup de choses à faire mais que sur l’identification des besoins et la réponse à ces besoins, on va pouvoir travailler ensemble.

On voit notamment qu’il y a des problèmes de salles, de lieux, de structures, d’alignement sur la question des droits communs. Mayotte est encore en retard, mais la question des lieux est essentielle pour répéter, se produire, enregistrer. On va vers une convention avec le Département qui permettra d’aider ceux qui font, y compris financièrement.
Sur le million d’euros, c’était un fonds d’urgence pour aider à éviter des faillites et des disparitions pures et simples. Mais à Mayotte il y a aussi des appels à projet qui rythment l’année, une partie de cet argent ira donc à Mayotte, c’est sûr.

Est ce que la culture n’est pas aussi une réponse aux autres problèmes que vous évoquez ?

Mbiwi
Une présentation du Mbiwi lors du 8e salon du tourisme de Mayotte en 2019

D’abord Mayotte est un territoire extrêmement riche. On a visité dimanche l’école de musique de Mamoudzou avec le volet fabrique d’instruments, avec des instruments qui n’existent nulle part ailleurs, c’est quelque chose qui ne doit pas se perdre. La musique c’est à la fois la fabrication de disques et la présence sur les plates formes de streaming, mais c’est aussi une diversité d’instruments traditionnels. Il ne faut pas que face à une difficulté de sécurité, d’immigration ou tout simplement de développement, la culture vienne après.

Ensuite en effet, la culture peut être un élément de réponse car il y a une activité économique à créer, parce que ça permet aux jeunes et aux populations de se situer dans le monde, c’est pour ça que je dis que la musique est un élément d’accomplissement et d’épanouissement mais aussi d’activité économique. On voit qu’à Mayotte développer des festivals, des activités culturelles et des lieux pour les accueillir, c’est un enjeu pour l’avenir.

Tout part de la volonté des acteurs locaux, mais il est de la responsabilité d’un établissement comme le nôtre d’appuyer un certain nombre de projets.

Le CNM dans ses missions a la mise en valeur du patrimoine musical, il y a un aspect de positionnement au monde et la conviction que certaines choses, assez fragiles, peuvent disparaître.

Quel est votre ressenti après 48h sur place ?

« Il faut que la musique soit une passion mais aussi une source de revenus »

Depuis notre arrivée à Mayotte, j’ai surtout vu de l’énergie : hier soir à Chiconi il y avait quatre groupes mahorais qui se sont produits devant des professionnels du secteur, , il y avait pas mal d’institutions et j’ai vu un niveau de qualité et d’énergie remarquables. Il ne faut pas que pour les artistes il y ait une course épuisante aux aides.
Un des sujets du CNM c’est d’apporter une réponse cohérente et organisée, pour le développement ici, le lien avec Madagascar, l’Afrique, la Réunion et le reste. J’espère revenir dans quelques mois, car au CNM on essaye d’être rapides et efficaces et de mesurer les progrès pour que les artistes puissent exercer leur activité, il faut que la musique soit une passion, mais aussi une source de revenus.

Propos recueillis par Y.D.

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