Il ne suffit pas de jeter un œil sur les bas-côtés pour qualifier la gestion du Syndicat Intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte, il faut aussi ouvrir les deux pour relire les pages noircies de critiques de la Chambre régionale des comptes dans son rapport sur la période 2017-2019. On se souvient que devant financer de son côté le ramassage des déchets non effectué par le SIDEVAM dans sa commune, Saïd Omar Oili avait menacé de quitter le syndicat.
« Gouvernance défaillante », « graves dysfonctionnements », nous avions rapporté les manquements listés par la Chambre régionale des Comptes, qui dépassaient la simple incompétence. Le conseil syndical avait en effet créé, en août 2019, 56 postes (dont 54 pour la collecte) sans aucune justification, et alors que la collecte n’avait pas été réorganisée depuis 2014, de nouveaux véhicules étaient achetés alors même que la moitié de son parc était inutilisable, faute d’entretien et de garage pour les entreposer.
Les constats s’enfilent comme des perles qui sentaient déjà la judiciarisation du dossier : « l’absence totale de mise en concurrence et de marchés publics pour des volumes d’achats élevés, comme la location de véhicules de collecte », « des recrutements et des compléments de rémunération irréguliers, à des agents comme au directeur de cabinet et au chargé de mission, l’octroi de congés extra légaux au personnel », « l’engagement juridique de dépenses par le président sans engagement comptable », etc.
Des dépenses à fonds perdus, qui ont cramé les dernières réserves « héritées des anciens syndicats », le déficit ayant été multiplié par 6 entre 2017 et 2019, « alors que le syndicat n’a réalisé qu’une petite partie de son plan pluriannuel d’investissement ».
« Recel et corruption »
Sur cette période, le SIDEVAM était présidé par le maire de Koungou, Assani Saindou Bamcolo, plusieurs directeurs se sont succédés. Le premier avait vite plié bagage, et était parti ensuite… comme conseiller à la Chambre régionale des comptes. C’était notamment l’ère de Cyrille Hamilcaro, ancien maire de Saint-Louis de La Réunion, recruté comme chargé de mission au SIDEVAM en octobre 2018. Une nomination qui avait fait du bruit, puisque c’est un ancien élu condamné à de multiples reprises par la justice que recrute le syndicat des déchets. Prison avec sursis pour recel d’escroquerie en 2007, rebelote de 2 ans avec sursis en 2012 et 5 ans d’inéligibilité qui le contraindront à la démission en 2014.
Une curieuse recrue, mais une recrue constante puisqu’il était placé en garde à vue en septembre 2021, au cours desquelles il était auditionné précisément pour son poste de chargé de mission au SIDEVAM.
Ce sont tout ces éléments réunis qui ont incité le Parquet National Financier à perquisitionner ce lundi 4 avril au siège du SIDEVAM, avec force présence de gendarmes, une quinzaine, pour saisir des documents, comme l’ont révélé nos confrères de Flash Info.
Nous avons contacté Emmanuelle Fraysse, vice-procureur au Parquet national financier, qui nous rapporte les motifs de poursuite : « La perquisition est intervenue dans le cadre d’un enquête préliminaire ouverte par le Parquet national financier des chefs de détournements de fonds publics, favoritisme, recel et corruption ».
Un mimétisme avec les Syndicat Mixte de l’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SMEAM), les deux syndicats ayant été le fruit d’une perquisition sur la période précédant les dernières municipales, repris depuis par des équipes qui veulent tout remettre à plat. C’est en tout cas ce qu’affiche l’actuel président du SIDEVAM 976, le maire de Sada Houssamoudine Abdallah qui va devoir nettoyer la maison, avant de s’attaquer à l’île.
Pour consulter le rapport de la CRC publié en 2021, cliquer ici.
Anne Perzo-Lafond