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Baptême de la nouvelle vedette de sauvetage en mer, un service qui doit encore trouver sa place à Mayotte

C’est par un temps à ne pas mettre un pêcheur dehors, donc dans un contexte météo où elle se sent comme un poisson dans l’eau, qu’a été baptisée la toute nouvelle vedette de la Société Nationale de Sauvetage en Mer, le Tamani. Son président national, l’amiral de Oliveira, était présent et a bien voulu répondre à nos interrogations sur la reconnaissance du sauvetage maritime à Mayotte.

Pêcheurs pris dans la tempête et récupérés à l’îlot Mtsamboro, enfants secourus alors qu’ils regagnaient leur plage à la nage après une sortie kayak, remorquages de bateaux de croisières… les interventions des sauveteurs en mer avec 47 personnes secourues fin 2021, et 70 en ce début 2022 pour 34 interventions, ont pu se dérouler grâce au Tamani, la nouvelle vedette semi-rigide de la station mahoraise.

En métropole, la couleur orange de la SNSM est connue des plaisanciers, c’est le premier secours en cas d’avarie en mer. A Mayotte, le tourisme nautique est encore peu développé, et l’ancien navire de sauvetage, vétuste, ne permettait plus d’assurer ce service. Après la mise à la casse du vieil Haraka, une période de latence de deux ans pendant lesquels le président Frédéric Niewiadomski a interpellé à tout-va. C’est donc « rempli de joie », comme il le dira ce jeudi 3 mars lors de son discours qu’il accueillait il y a 6 mois le Tamani, « Désiré » en shimaore, on comprend pourquoi… « Le Tamani, plus grand et plus puissant que le Haraka a démontré ses qualités nautiques, opérationnelles », rapportait-il.

Il s’agit en réalité du plus gros semi-rigide de toutes les stations SNSM de France, mais beaucoup possèdent des canots fermés, notamment dans le Nord de la France. Un investissement de 260.000 euros, financé pour moitié par le conseil départemental, à prés de 40% par le ministère des Outre-mer et le reste par la SNSM.

Si cela a été compliqué à Mayotte, c’est que la petite station ne reçoit que peu de dons, les plus gros étant TotalEnergies, sur le carburant, la Chambre de Commerce et d’Industrie et la STMM (Services et Travaux maritimes de Mayotte). Or, c’est traditionnellement en partie son moyen de subsistance en métropole.

Baptême par lancer de noix de coco, en présence des religieux catholique et musulman

Pêcher sans savoir nager, un danger

Pour cette inauguration, le président national de la SNSM, l’amiral et ancien préfet maritime de l’Atlantique, Emmanuel de Oliviera, était à Mayotte. Nous l’avons interrogé sur le fonctionnement particulier du sauvetage à Mayotte.

En matière de profil d’assistance d’abord. « Ici, les interventions portent surtout sur les pêcheurs qui naviguent de plus en plus hors lagon et loin, et se mettent en danger lorsque le temps se dégrade. En plus, la plupart des mahorais ne savent pas nager, une fois tombé à l’eau, ils se noient au bout de 10 minutes. L’action gouvernementale en cours est essentielle, il faut apprendre aux enfants à nager dès l’école primaire. Je suis allé faire un tour en mer il y a une demi-heure (vendredi matin, lors de la perturbation, ndlr), la plupart des pêcheurs ne portaient pas de gilets. Par superstition pour certains, qui les voient comme une concrétisation du danger, il n’y en avait parfois pas dans les bateaux. »

En cas d’appel de détresse, il faut aller vite, et le Tamani est conçu pour ça, « il est équipé de deux fois 300cv, et peut aller jusqu’à 45 nœuds (83km/h) dans une mer formée. C’est tout l’enjeu pour les accidents de plongée par exemple. Nous pouvons intervenir pour acheminer au plus vite la personne vers le caisson de décompression du CHM, c’est une question de minute dans ces cas. » Si le don à la SNSM n’est pas encore passé dans les mœurs à Mayotte, le premier pas pourrait donc être franchi par les opérateurs de tourisme ou de plongée qui ont tout intérêt à pérenniser la structure.

La problématique du navire étant réglée, il en reste d’autres. Pour naviguer, il faut des marins. En métropole, ce sont des anciens de la marine marchande, nationale ou de la pêche qui sont inscrits comme bénévoles à la station SNSM de chaque port. Le patron d’équipage, Alain Pucel, a suivi une formation, mais c’est un des problèmes ici, nous fait savoir l’amiral : « Sur 30 bénévoles à la station de Mayotte, 6 seulement sont mahorais. Ce qui implique que nous ayons un fort turnover, avec de forts besoins en formation, prodiguée à Saint-Nazaire ».

Quand le bénévolat sauve des vies

L’amiral de Oliveira présent pour le baptême

Les six bénévoles locaux ont des profils différents, l’un est pêcheur, l’autre taxi, il y a un responsable de service intercommunal, mais ils assistent à peu de sorties, nous explique-t-on, ce qui ne permet pas d’engranger de l’expérience. Un appel est donc fait au bénévolat.

Autre difficulté, relevée par le président de l’Association des maires de Mayotte, dans son discours, la restriction du permis de navigation, limité à 6 milles (11km) des côtes quand il est à 20 milles (37km) pour les intercepteurs de la LIC, « or ce n’est un secret pour personne que nos pêcheurs vont bien au-delà des 6 milles », pointait Madi Madi Souf. Sur ce sujet, Emmanuel de Oliveira s’est montré rassurant, « nous nous sommes il est vrai heurté à un problème purement administratif, en cours de résolution par une dérogation des Affaires maritimes. Mais de toute façon, cette limite ne porte que pour la navigation ordinaire, pas sur les sauvetages. »

Un nouveau navire, mais pas encore de bâtiment, puisque la SNSM a perdu son local. Là encore, une solution est dans les tiroirs, « malgré la pression foncière sur Petite Terre, nous avons une très bonne piste avec l’EAM. »

En présence du père Vincent Ngoie-Mitenga et du cadi de dzaoudzi Labattoir, c’est abritée par une rangée de parapluie, et après un joli discours, que la marraine du Tamani, Chaïdati Yssoufi, directrice de l’agence d’insertion Eurêka Interim et 1ère adjointe du maire de Sada, a lancé, non pas une bouteille de champagne comme il est d’usage en métropole, mais une noix de coco fraiche qui s’est brisée sur la coque. Présageant de nombreuses journées de navigation à la nouvelle vedette.

Anne Perzo-Lafond

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