Cela fait déjà de longues semaines que les rayons de grandes surfaces dédiés aux packs d’eau plate restent vides. Sitôt remplis, les rayons sont immédiatement pris d’assaut par les clients. La pénurie doit son origine à plusieurs causes.
D’un point de vue systémique tout d’abord, l’on ne pourra enlever à la population l’impression d’échec du SMEAM de longues années durant, avec les conséquences que l’on connait aujourd’hui. Une troisième retenue collinaire qui n’a jamais vu le jour, des déboires à l’usine de dessalement il y a quelques années… De façon plus actuelle, les tours d’eau répétés auront eu leur rôle à jouer, à l’instar de cette pollution des réservoirs au manganèse, laquelle perdure encore à ce jour bien que les multiples opérations de nettoyage tendent à endiguer ce phénomène.
« Dès qu’il y a un problème lié à l’eau, les gens se jettent dessus. »
Autant de facteurs bien locaux qui auront poussé la population à se ruer sur les packs, laissant aux rayons de Sodifram, d’HD ou encore des Doukas Bé des packs d’eau pétillante en nombre, bien moins prisée des consommateurs. Et c’est là l’une des autres causes de la pénurie. Du côté de Sodifram, l’on nous explique qu’un stock d’eau arrivé vendredi dernier a été vidé en quinze minutes à peine, en dépit des limitations fixées à deux packs par personne. Mais la limite est vite contournée, les clients sortent et rentrent dans la foulée pour se resservir. Serge Dolinski, directeur adjoint d’exploitation du groupe Sodifram, nous déclare que « dès qu’il y a un problème lié à l’eau, les gens se jettent dessus. On a à peine le temps de sortir les palettes en magasin que les gens se ruent dessus. Ils guettent même en dehors des magasins ».
Du côté de la direction du groupe Mayotte Bourbon Distribution, l’on pointe du doigt un autre problème : la consommation de bouteilles d’eau a beaucoup augmenté, mais il est difficile d’anticiper, de savoir trois mois à l’avance quelles quantités il faudra commander.
Car comme l’explique M. Dolinski, la grande distribution se trouve face à plusieurs impondérables. Située à la pointe de l’iceberg, celle-ci reste assujettie aux arrivages, lesquels surviennent généralement trois mois après avoir passé commande. Et ce, lorsque le fret maritime ne fait pas des siennes, ce qui a été le cas récemment : « C’est souvent le grand désordre ces derniers mois : les conteneurs stockés sur les plateformes d’échange maritime, on pense les recevoir, et au dernier moment on reçoit l’information que le conteneur n’a pas été chargé » explique le directeur adjoint d’exploitation du groupe Sodifram.
Le groupe essaye d’avoir toujours du surstock, l’eau étant un produit sensible. « Mais le surstock peut très vite disparaître dès lors que l’on n’est plus dans un comportement normal » reprend M. Dolinski. Des conteneurs doivent arriver dans les prochains jours. Parmi les arrivages, une partie sera réservée à l’hôpital et à la maternité. Mais pour le reste, la direction de Sodifram s’attend à ce que la cargaison soit « absorbée de la même manière, d’une façon trop rapide, non prévue ».
Une spéculation liée aux mauvais usages de la population donc. Mais cette pseudo pénurie, semblable à celle du papier toilette et de la farine au début de la crise Covid, aura été majoritairement provoquée par les comportements abusifs de stockage, déréglant les flux habituels et ce au grand dam d’une large partie de la population elle-même.
Mathieu Janvier