Notre confrère de Mayotte Hebdo Cyril Castelliti a été interdit de suivre Marine Le Pen ce vendredi. Après l’avoir suivie et interrogée toute au long de la journée de jeudi, le staff de la candidate a signifié au reporter qu’il devait partir.
Ce n’est pas une première, l’Agence France Presse avait déjà été boycottée lors d’une précédente visite de la patronne du Rassemblement national qui reprochait à l’AFP une photo jugée peu flatteuse, et un membre de la sécurité nous avait alors affirmé que le JIR (journal de l’Île de la Réunion) n’était pas le bienvenu non plus.
Le parti n’en est donc pas à son coup d’essai en termes de choix des médias qui le suivent. Mais l’éviction d’un journaliste local, donc en mesure de mettre en perspective les affirmations d’un candidat en visite avec sa connaissance du territoire, n’est pas anodine. En privant Cyril Castelliti de reportage, c’est une voix locale et indépendante qui a été tue. Au cours de cette deuxième journée de visite, il avait notamment repris la candidate sur le fait que non, les décasés ne sont pas tous des clandestins, et que les hébergements d’urgence accueillent des étrangers en situation régulière ainsi que des Français.
Ceci étant, en dehors de questions portant sur des points précis de la vie locale, quitte à pousser son interlocutrice dans ses retranchements, -c’est précisément le travail d’un journaliste-, notre confrère n’avait montré aucune animosité à l’endroit de la politicienne, et aucun trouble n’était venu perturber la première journée de visite, jeudi. « On est des cibles faciles car c’est nous, les journalistes locaux, qui connaissons le terrain et sommes susceptibles de la faire sortir de sa zone de confort » témoigne Cyril Castelliti.
Evincé pour avoir fait son travail ?
Vendredi, changement de braquet de la part du staff de la candidate. « Caroline Parmentier -responsable de la communication de la candidate NDLR- est venue me voir, m’a dit qu’il y avait un problème, elle a évoqué une information des renseignements territoriaux sur mon arrestation aux Comores. Le policier m’a demandé ce que j’avais fait aux Comores et j’ai dû partir, je n’ai pas eu le choix, ils ont dit ‘c’est une question de sécurité de Marine Le Pen’. » « Si c’est vrai qu’il y a une fiche suite à mon arrestation c’est très grave, ça veut dire que je suis victime de la dictature comorienne et que je ne suis pas protégé par la France alors qu’il y a une menace » s’indigne le journaliste. « Ce que j’ai vécu aux Comores, c’était traumatisant, là ce traumatisme est remonté, j’ai été déstabilisé. Si l’Etat ne m’apporte pas son soutien, ça va être dur. Je sais que ce terme d’antifa est lié à une campagne de harcèlement que j’ai vécu de la part de l’extrême droite en 2017, en réponse à des articles que j’écrivais ».
Une certaine ironie découle de cette histoire : reprocher d’un côté un supposé laxisme de l’Etat français envers Moroni, et sanctionner un journaliste parti enquêter sur la vie politique de ce pays, pourrait presque paraître schizophrène. Cela traduit en tout cas une certaine vision de la démocratie, qui ne tolèrerait pas de voix indépendante et encore moins discordante.
Y.D.