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Mayotte choisie pour une réflexion sur la laïcité et les valeurs de la République

Comme pour l’armée, l’éducation nationale a son Institut des Hautes études (IH2EF) chargé de former ses cadres. Sa politique est enrichie d’un cercle de réflexion, les auditeurs de l’IH2EF, qui se penchent sur les grandes thématiques sociétales pour enrichir le débat. Quel débat ? Nous le verrons avec leur chef de projets qui mène 23 auditeurs sur les chemins de la laïcité et des valeurs de la République à Mayotte.

Cette année le thème des auditeurs de l’IH2EF, l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, porte sur « La laïcité et les valeurs de la République, de l’école à l’université », qui est d’ailleurs l’objet d’une formation partout en France, notamment au Centre universitaire de Dembéni. Le cycle 2021 – 2022 est placé sous le parrainage de l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement.

Leur devise est impulsée par René Descartes, « Pour atteindre la vérité, il faut une fois dans la vie se défaire de toutes les opinions qu’on a reçues, et reconstruire de nouveau tout le système de ses connaissances. »

Quoi de mieux que la salle Samuel Paty du rectorat pour aborder le thème de la laïcité alors que plusieurs incidents ont été relevés cette année lors de la commémoration de son assassinat par des terroristes islamistes.

Assis en carré autour du recteur Gilles Halbout, les 23 auditeurs arrivant de différents horizons, mais majoritairement de la maison Education nationale, l’écoutent religieusement évoquer un contexte sans pareil en France, celui de Mayotte. Ils auront rapidement compris que dans un département où les levers matinaux à 4h des élèves qui subissent parfois en chemin des caillassages « ne favorisant pas la réussite scolaire », où certains élèves « découvrent ici le français pour la première fois », où 50% des enseignants sont des contractuels « parce qu’on n’arrive pas à faire venir des titulaires », où à l’heure où il leur parle, le recteur compte encore 30 postes non pourvus « et je ne vous parle pas de la difficulté des remplacements », où la moitié des élèves ont des parents étrangers « dont certains en situation irrégulière qu’il est compliqué de contacter », où un Observatoire des violences a été mis en place pour comprendre ces agressions juvéniles à répétition « pour un travail de fond sur la prévention », où encore les échanges avec la préfecture portent essentiellement sur la sécurité, sur un tel territoire, le sujet de la laïcité en général, et du port du voile en particulier, paraîtrait presque anecdotique.

Les 23 auditeurs dans la salle Samuel Paty

La laïcité vécue ici pourrait abonder le débat

La question était posée par un proviseur du sud-ouest de la France, « comment est abordée la question du voile à Mayotte ? » Les séances des auditeurs de l’IH2EF se tiennent sur une semaine par mois pendant 10 mois, dont l’une se tient dans un département d’outre-mer, nous explique Pascal Lalanne, Chef de projet du cycle des auditeurs de l’IH2EF : « L’année dernière pour la thématique ‘Education, formation et territoire’, c’est la Guyane qui avait été choisie, et cette fois, nous trouvions que la thématique de la laïcité serait intéressante à aborder avec la vision de Mayotte ».

Les auditeurs ont donc pu entendre Gilles Halbout expliquer la différence entre le kishali, « élément traditionnel et de coquetterie » portée par les filles, « et qui ne leur couvre pas le visage », et les jeunes filles voilées. « On voit une évolution dans ce sens dans certaines écoles, et si nous sommes stricts sur le non port du voile, nous privilégions la discussion avec les élèves et les parents sur les valeurs de la République et ce qu’elles impliquent notamment sur la tenue vestimentaire. C’est d’ailleurs souvent un problème de méconnaissance. »

Gilles Halbout interrogé sur toutes les problématiques mahoraises

Les auditeurs devront développer leur réflexion autour de 5 points clé : incarner et partager les principes de la laïcité, identifier les souplesses d’application possibles, cerner les limites de l’espace républicain, dialoguer et nourrir le débat public et transférer des savoir-faire repérés à des contextes professionnels différents.

Ce cycle de réflexion permet notamment « d’acquérir un socle de culture commune, de pratiquer l’intelligence collective, de construire et présenter au plus haut niveau une analyse en maîtrisant les fondamentaux de la communication, les sujets et leurs problématiques. »
« Au plus haut niveau », c’est à dire que le produit des réflexions sera remis au ministre de l’Education nationale et à celle de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. « Mais nous ne pouvons pas savoir quelle est l’influence réelle de ces rapports », conclut Pascal Lalanne.

Anne Perzo-Lafond

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