L’INSEE vient de publier le dernier PIB (Produit Intérieur Brut) pour Mayotte. Trois lettres pas forcément sexy, mais qui en disent long sur l’état de développement d’un territoire puisqu’il s’agit globalement de la richesse qu’il dégage. Difficile pour autant d’en tirer de grandes conclusions puisqu’il s’agit des données 2019. Alors que tous les autres territoires de France bénéficient à cette période de l’année, du PIB 2020. Mayotte a constamment une année de retard. « On manque de données à Mayotte, on ne peut donc pas produire les mêmes documents d’analyse que pour les autres DOM », s’agaçait d’ailleurs Marie-Anne Poussin Delmas, président de l’IEDOM, que nous avions interviewée.
D’accord, nous sommes le département français qui dégage le moins de richesse, mais le dynamisme de nos créations d’entreprises va bien finir par payer, et le savoir avec retard peu poser des problèmes d’inadaptation des outils. L’analyse des chiffres du bulletin de l’INSEE délivre d’ailleurs un scoop : ce n’est plus la consommation qui porte la croissance en 2019, mais l’investissement.
En 2019, à Mayotte, le produit intérieur brut (PIB) atteint 2.660 millions d’euros, soit 9.710 euros par habitant. Malgré sa croissance de 6,6% en 2019, deux fois plus qu’en 2018 qui avait été une mauvaise année (mouvements sociaux), le niveau du PIB mahorais reste toujours 3,7 fois moins élevé que le niveau national. Nous sommes donc 4 fois moins riches que les habitants de métropole, mais toujours environ 13 fois plus que les Comores.
Investissement et consommation, les deux mamelles de la croissance
Cette hausse de la richesse du territoire, s’est produite en période de faible inflation, +0,2%, induisant une hausse du pouvoir d’achat des habitants de 3,1%.
Cette année là, Mayotte enregistre le record annuel de créations d’entreprise (+ 1.020), preuve d’une conjoncture porteuse.
Le premier moteur de la croissance économique est l’investissement en 2019, +16,3%, « en raison de l’agrandissement du parc de logements privés, ainsi qu’à des aménagements conséquents dans les administrations publiques ».
La consommation de ces administrations publiques, +4,9%, est le deuxième poste à tirer l’économie vers le haut. Il s’agit des « services fournis par les administrations, notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé ». Elle pèse pour 62 % dans le PIB, soit nettement plus qu’au niveau national (23 %), en raison du faible développement du tissu économique privé.
La consommation des ménages, habituellement en tête, représente le troisième levier de la croissance du PIB en 2019. En hausse de 5,4 %, elle contribue pour 2,4 points à la croissance du PIB, soit 43 %, plus faible qu’au national.
L’impact des « gilets jaunes » de métropole
A Mayotte on importe quasiment tout, sans exporter, ce qui implique une balance commerciale fortement déficitaire, ce qui continue de peser négativement sur le PIB (- 2 points sur la hausse du PIB). « Ce déficit est comparable à celui des autres départements d’Outre-mer, dont l’activité économique dépend des importations », indique l’INSEE. Qui observe que fin 2018, les mouvements sociaux de l’hexagone (« les gilets jaunes ») ont entraîné des retards d’approvisionnement à Mayotte. Ces livraisons de marchandises sont arrivées en début d’année 2019 et ont contribué au dynamisme des importations (+9 %). Essentiellement constituées des dépenses des touristes qui séjournent à Mayotte, les exportations pèsent peu.
En 2019, la valeur ajoutée dégagée par les sociétés progresse de 8,3 %, soit 6 fois plus qu’en 2018 (+ 1,3 %). Elle reste néanmoins deux fois plus faible que le niveau national (56 %). « Les rémunérations des salariés de ces sociétés augmentent plus vite que leur valeur ajoutée en 2019 (+ 9,7 %) grâce à des créations d’emplois dynamiques (+ 3.400 depuis 2017) et à l’instauration des 35 heures pour les entreprises de moins de 20 salariés ».
De son côté, avec une hausse de 6,7 %, la valeur ajoutée dégagée par les ménages s’avère également dynamique : il s’agit des loyers, tandis que l’autre moitié est générée par des entrepreneurs individuels qui exercent dans les secteurs de l’agriculture, du commerce, de la santé et de la construction.
Des évolutions de tendance qu’il faut analyser et surtout actualiser avec des données plus récentes. Il est très frustrant de savoir qu’il va falloir attendre un an avant de connaître les particularités de la croissance 2020 à Mayotte…
Anne Perzo-Lafond