Sitôt présenté, sitôt retiré, l’amendement de Mansour Kamardine au projet de loi finances semblait en effet hors sujet. Il aura eu le mérite de remettre sur le devant de la scène un vieux serpent de mer, celui de la reconnaissance de Mayotte française à l’international. « L’appartenance de Mayotte à la France est contestée par l’Union des Comores depuis 1975. A l’issue de la crise diplomatique franco-comorienne de 2018, le gouvernement a signé, avec les autorités comoriennes, le 19 juillet 2019, un document cadre de coopération intitulé « vers un accord de partenariat renouvelé entre la République Française et l’Union des Comores » » rappelle le résumé de la situation préalable à l’amendement présenté par Mansour Kamardine. Ce dernier prévoyait d’imposer au gouvernement de remettre « dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, un rapport au Parlement portant sur la mobilisation des crédits budgétaires des programmes 105 et 185 de la mission « action extérieure de l’État » concernant la reconnaissance internationale de l’appartenance du département de Mayotte à la République Française », ce dans le but affiché de « renforcer l’information du Parlement ».
Un hors sujet pointé par le rapporteur spécial Ledoux. « Le problème soulevé n’est pas essentiellement de nature budgétaire. L’amendement n’a pas pour principal objet d’améliorer l’information du Parlement sur la gestion des finances publiques mais sur les missions générales de notre diplomatie et il n’y a pas de crédits spécifiquement destinés à cette fin dans les programmes de la mission » invitant le député mahorais « à retirer cet amendement ».
Le ministre des Affaires Etrangères Jean-Yves Le Drian a néanmoins pris le temps de répondre au député sur les moyens déployés pour cette reconnaissance.
« Pas tout le monde » d’accord
« Plusieurs mesures ont été mises en œuvre, et je voudrais en citer quelques-unes. Un argumentaire politico-juridique portant sur la souveraineté française sur Mayotte a été élaboré par les différents ministères et les élus de Mayotte, dont vous-même » a répondu le chef de la diplomatie française à Mansour Kamardine.. « Il a été diffusé le 1er décembre de l’année dernière à nos ambassades en Afrique, dans les pays du pourtour et auprès de notre représentation à Bruxelles et à New York. Il fait l’objet d’une publication sur le site internet de mon ministère, sous forme de questions-réponses, afin de valoriser cette prise de position. Par ailleurs, le ministère a mis en place un système d’alerte afin de détecter, corriger et répondre aux erreurs ou désinformations qui pourraient être publiées sur Mayotte.
En outre, le décret établissant les limites extérieures de la mer territoriale de Mayotte a été publié le 29 janvier 2020. Enfin, un bureau du conseil départemental de Mayotte a été ouvert dans les locaux de l’ambassade de France à Madagascar, et je l’ai moi-même inauguré en présence des élus de Mayotte et de vous-même. Nous continuerons cette action, en concertation avec le conseil départemental de Mayotte, pour la préparation de la prochaine conférence de coopération régionale de la zone de l’océan Indien, qui se tiendra le 29 novembre à Mayotte.
Ces orientations que nous avons préparées ensemble sont suivies avec beaucoup de vigilance, y compris sur le plan du développement des Comores, même si, du fait de la pandémie, nous avons quelques soucis liés à l’obligation de se faire tester, qui a réduit les retours vers l’archipel. Néanmoins, nous avons renforcé les capacités de test à Mayotte, ce qui permettrait normalement de régler cette baisse temporaire des retours. Voilà ce que je peux vous répondre. Je pense que ces propos devraient vous apporter les clarifications demandées mais je suis toujours prêt à vous rencontrer quand vous le souhaitez, et pas uniquement à Madagascar ». Une réponse satisfaisante à court terme pour le député qui a dans la foulée retiré son amendement de lui-même.
Outre son aspect symbolique pour les Mahorais qui ont fait le choix de la France, la reconnaissance de la souveraineté française sur Mayotte et son statut de département sont aussi un levier diplomatique notamment pour les Comores qui, avec l’immigration clandestine, y trouvent une base de négociation pour appuyer leur propre développement. Une reconnaissance internationale à très court terme semble par ailleurs d’autant plus difficile à obtenir que le statut de Mayotte française ne fait déjà pas l’unanimité au sein de la classe politique nationale. Le député Jean-Paul Lecoq, ouvertement opposé à la départementalisation, et qui a plusieurs fois appelé à « décoloniser Mayotte » a profité de l’amendement pour glisser que même à l’Assemblée nationale, ce n’est « pas tout le monde » qui accepte « l’idée que Mayotte est bien un département de la République ». La question n’a donc pas fini de faire parler d’elle, de part et d’autres des frontières nationales.
Y.D.