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Violences à Saint-Benoît : un collectif mahorais à La Réunion craint une nouvelle stigmatisation

Les violences sont commises de jour comme de nuit, se plaint une habitante de Saint-Benoît, une Mahoraise vivant depuis 30 ans à La Réunion. Active à travers son collectif Re-Ma, Amina Djoumoi appelle à cesser le mutisme. A La Réunion comme à Mayotte.

Dans la nuit du 31 octobre, Halloween a été fêtée à coup de poubelles enflammées dans la ville de Saint-Benoit à La Réunion. Le quartier de Bras Fusil a notamment été le théâtre d’affrontements entre jeunes, « entre 11 et 17 ans », et forces de l’ordre, ces dernières étant ciblées par des jets de galets.

Et rebelote en cette fin de soirée du 3 novembre. « En fin de journée, une quarantaine de jeunes sont allés caillasser un immeuble de la Cité Labourdonnais », rapportent nos confrères de Réunion la 1ère.

Le maire de Saint-Benoît, Patrice Selly appelle au calme en jugeant la présence de ces mineurs à ces heures tardives dans la rue, « anormale et inacceptable ». Il en appelle aux parents, qui pourraient être sanctionnés après enquête de la gendarmerie, et annonce sa démarche teintée de menace, « Sans en arriver à la suspension des allocations familiales, il y a d’abord des réponses pénales qui peuvent être apportées par les autorités judicaires. Il y a un vrai problème de responsabilité parentale. S’il y a des dégradations constatées, la mairie portera plainte ».

Il n’est pas le seul à interpeller les parents. Nous avons recueilli le témoignage d’Amina Djoumoi. Depuis 30 ans, cette mahoraise d’origine, habite La Réunion où elle travaille comme médiatrice sociale. Elle préside le Collectif Re-Ma, pour Réunion et Mayotte, un pont qu’elle a dressé pour une meilleure compréhension entre les communautés, mais qui reste fragile, nous explique-t-elle : « Ce sont des scènes similaires à ce qu’on voit à Mayotte chaque jour. Lors de ces violences, à partir du moment où un jeune ressemble à un mahorais, les créoles ici ou les zoreilles (métropolitains), le catégorisent comme tel. Ça rejaillit automatiquement sur nous, les mamans sont pointées du doigt lorsqu’elles mènent des démarches administratives. Sans compter que les médias attisent le feu en mettant tout le monde dans le même panier. »

Patrice Selly, le maire de Saint-Benoît

Des logements sociaux très convoités

La situation a de forts relents de contexte mahorais. Les débordements avaient auparavant lieu à Saint André et au Chaudron, « mais le maire de Saint-André a attribué les logements à Saint-Benoît aux familles demandeuses ». Provoquant l’ire des réunionnais qui se sont sentis dépossédés de ces logements sociaux, aggravant un peu plus la mésentente entre les communautés.

Des logements qu’a investis un public de tous horizons, rapporte encore Amina Djoumoi, « certains étaient à La Réunion depuis longtemps, mais d’autres sont fraichement arrivés de Mayotte après avoir obtenus des papiers. Enfin, certains jeunes arrivent en foyer, placés parce qu’il n’y a pas assez de place à Mayotte ». Elle ne nie pas pour autant que des mahorais puissent être mêlés à ces violences, « quelque soient les auteurs, je demande qu’ils soient jugés en tant qu’individu et non en tant que mahorais ou comme ressortissant d’une communauté. Nous avons eu du mal à faire notre place à La Réunion, nous ne voulons pas être assimilés à ça ». Elle s’adresse aux parents, « prenez vos responsabilités », et aux autorités, « retrouvez les coupables et jugez-les. »

Amina Djoumoi en profite pour opérer une translation du sujet à Mayotte : « Lorsque des agressions se passent à Mayotte, ce serait bien que les associations comoriennes et les parents des jeunes auteurs, s’expriment. Ne rien dire, c’est être d’accord. Au lieu de se victimiser et de pointer du doigt tel ou tel, il faut agir pour que ça ne prenne pas plus d’ampleur. » C’est ce qu’elle a tenté de mettre en place : « J’ai organisé une réunion à Bras-Panon pour interpeller les parents et tenter d’identifier les enfants fautifs ».

Le maire de Saint-Benoît lui, reste ferme : « Plus il y aura de provocations, plus il y aura chez nous de la détermination ».

Anne Perzo-Lafond

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