Des boutures de corail, l’expression prête à confusion, tendant à faire oublier que les polypes qui s’organisent en récifs coralliens sont d’abord des animaux. Qu’importe, l’idée de fond, elle, devrait participer à préserver ce patrimoine naturel qu’est le corail, et dont dépend l’essentiel de la vie du lagon de Mayotte.
Bien sur, un tel projet a un coût, et c’est là que le plan de relance entre en jeu, et va accélérer les choses, comme avec le pont de Mangajou, sur un autre registre.
« Face au constat d’une pression grandissante liée aux changements globaux et aux activités humaines locales sur nos précieux récifs coralliens, les scientifiques et les gestionnaires du milieu marin cherchent des solutions », communique le Parc Marin. « Grâce au plan de relance du gouvernement, l’Institut de recherche pour le développement et le Parc naturel marin de Mayotte, avec l’appui du Centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte et l’Université de la Réunion lancent le programme Future Maore Reef pour une durée de deux ans. » Partant du principe que les coraux sont « essentiels au maintien de la biodiversité marine et à la protection du littoral », tant par leur rôle dans la biodiversité que par la barrière naturelle qu’ils forment, quatre objectifs ont été déclinés autour de leur préservation.
Le projet Future Maore Reef doit contribuer « à mieux comprendre la résilience de ces écosystèmes, face aux changements globaux dont le réchauffement et l’acidification des océans, à identifier des solutions durables fondées sur la nature pour aider, soit à la restauration d’écosystèmes dégradés, soit à la réduction des impacts liés aux projets d’aménagement ainsi qu’aux pollutions et à l’envasement, ou encore, pour aider à la mise en place de mesures de compensation en cas de destruction de ces écosystèmes » mais aussi « à mieux comprendre la relation entre la population mahoraise et son environnement marin, et à développer de nouveaux outils et approches de sensibilisation sur les enjeux liés aux récifs coralliens auprès des scolaires et du grand public à Mayotte ».
Un travail pédagogique et sociologique autour du projet
En résumé, c’est un vaste enjeu de biodiversité, d’éducation et d’équilibre entre nature et activité humaine qui est exposé. A la clé, deux années de travail qui viennent de commencer. « Pour mener à bien cette étude, plusieurs types d’expérimentations scientifiques seront menés dans le lagon mahorais. Cette semaine, l’équipe de recherche a fait le repérage de plusieurs sites où seront mis en place des récifs artificiels. En forme de dômes en béton spécialement adapté à la vie marine, ces récifs artificiels serviront de supports pour faire grandir des boutures de coraux. Des suivis comparatifs entre les récifs artificiels et des récifs naturels situés à proximité, dans des conditions identiques, permettront d’étudier la croissance et la dynamique des boutures au cours du temps. Cela sera effectué notamment avec la technique de la photogrammétrie, permettant de reconstituer de manière extrêmement précise les boutures en 3 dimensions afin de suivre finement leur évolution. »
Outre l’objectif environnemental consistant à dynamiser le développement des coraux, le Parc Marin s’est saisi de l’occasion pour amener la jeunesse à s’intéresser à ces richesses sous-marines, dont l’importance autant que la fragilité sont sous-estimées dans l’imaginaire collectif. Ainsi « un des récifs artificiels sera investi d’une fonction pédagogique : une classe d’école primaire de Mayotte viendra participer à sa co-construction, au bouturage corallien et aux suivis de sa croissance. Cette classe sera jumelée à une classe de Bondy (région parisienne) qui réalisera les mêmes types d’expériences sur des boutures de corail effectuées dans des bassins contrôlés de l’Aquarium Tropical de la Porte Dorée à Paris. Les enfants échangeront sur leurs expériences tout au long de l’année et participeront à des évènements culturels pour présenter le bilan de leur projet ainsi que des créations artistiques issues de leurs regards croisés. »
Le tout sera scruté de près afin d’en tirer une vision globale, porteuse de leçons à plus long terme. « Ce projet pédagogique autour des récifs coralliens et du changement climatique fera l’objet d’une double étude, sociologique et en sciences de l’éducation, pour mesurer son efficacité, voire l’améliorer et le généraliser ».
En s’inscrivant sur du long terme, ce projet de boutures va-t-il prendre racine ?
Y.D.