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Mamoudzou

Transport maritime : le gérant de la SGTM déplore que les kwassa détruisent le marché

Michel Labourdère souhaite bien reprendre toutes les lignes entre Mayotte et les autres îles de l’archipel. Mais le gérant de la Société de gestion et des transports maritimes (SGTM) a vu ses recettes s’éroder faute de passagers qui préfèrent, selon lui, les kwassa "trop faciles et sans formalités" pour se rendre à Mayotte. Pour éviter de se casser les dents, le chef d’entreprise joue la carte de la prudence en maintenant les lignes Dzaoudzi-Mutsamudu puis une autre à Moroni dans la semaine en attendant la fin des filières de transports clandestines.

C’est un bilan en demi-teinte qu’a fait Michel Labourdère dans un entretien accordé au journal comorien, Al-watwan. Le gérant de la Société de gestion et des transports maritimes (SGTM) a reconnu l’extraordinaire richesse des îles et le potentiel en matière de transport maritime.

Fier des 15 années d’existence de la SGTM, Michel Labourdère admet que son rêve de desservir toutes les îles a été surtout ébranlé par la montée en force des filières clandestines, les kwassa-kwassa* qui détruisent, selon lui, le marché des transports maritimes dans l’archipel. « On a créé cette compagnie en février 2004 et on a fait notre première rotation entre Mayotte et Ndzuani (Anjouan) le 17 décembre 2005. On a donc commencé par Mayotte-Ndzuani et rapidement on a ouvert Ndzuani-Ngazidja (Grande Comore), et un an et demi après on a également ouvert Ndzuani-Mwali-Ngazidja », a-t-il rappelé, non sans souligner le grand engouement suscité à l’époque.

Des compagnies maritimes tombées en faillite à cause des kwassa

La machine tournait à plein régime pendant les premières années. Les passagers affluaient dans les bureaux de la SGTM pour prendre leurs tickets de voyage. Le nombre de rotations a été doublé puis triplé. Mais tout va basculer quelques années après. Ce ne sont pas les nouvelles compagnies naissantes qui faisaient peur à la SGTM. Mais les kwassa « trop faciles et sans formalités » et dont les passagers atteignent la rive à Mayotte incognito et sans se fatiguer.

« Les kwassa partent en 30 minutes. Il n’y a pas de formalités de la Paf et de la douane. Il n’y a pas tous les autres filtres que nous avons, la brigade, l’Eppam [autorité portuaire à Mutsamudu], toutes sortes d’organisations et de contrôles. Ensuite, leur trajet est beaucoup plus court : ils partent d’une pointe pour aller sur une autre pointe », explique Michel Labourdère.

Conséquence : toutes les compagnies qui opéraient sont tombées en faillite faute de clients. « Le marché est donc devenu minuscule, alors que nous avons aujourd’hui deux bateaux au chômage, Gombessa et Citadelle, on a des équipages qu’on a quand-même gardés parce qu’on ne veut surtout pas les perdre, mais on n’a plus de travail », souligne le gérant de la SGTM, ajoutant que l’entreprise « ne peut pas prendre le risque de travailler à perte, on a besoin de rentabilité, il s’agit d’une compagnie maritime aux normes internationales ».

Pour éviter de se casser les dents, le responsable de la SGTM (dont le bénéfice de l’exercice 2019 se monte malgré tout à 1,85 million d’euros, ndlr) joue la carte de la prudence en maintenant les lignes Dzaoudzi-Mutsamudu puis une autre à Moroni dans la semaine en attendant la fin des filières des transports clandestines.

Le Ntringui Express, 31m, un des navires de la compagnie

Améliorer les infrastructures portuaires dans les trois îles

« Aujourd’hui on fait une seule rotation par semaine entre Ndzuani et Moroni, et on la fait parce qu’on l’a cumulée avec les passagers de la ligne Mayotte-Moroni, sans quoi on serait incapable aujourd’hui de remplir un seul bateau pour Mutsamudu-Moroni. Pourquoi ? C’est très simple : les 1 200 passagers que nous avions à l’époque de Zanzibar, Tratringa et Tringui, embarquent sur les navires de fret, qui souvent partent le soir », détaille le gérant de la SGTM. « Il y a aussi l’autre moitié du marché qui est allée sur les kwassa, qui partent depuis Dodin. Tout ceci fait que la filière du transport des passagers s’est effondrée », ajoute-t-il.

Michel Labourdère ne veut pas pour autant perdre espoir surtout au sujet de la ligne Mayotte-Mwali (Mohéli) où des voyages et des visites à la carte pourraient être programmés. « On aime beaucoup Mwali, c’était une escale très charmante, et on avait aussi l’ambition d’ouvrir une ligne Dzaoudzi-Mwali. Il y a énormément de touristes qui veulent y aller pour visiter la réserve et les beaux joyaux de l’île », reconnait-il, précisant que les prix du voyage sont fixés en fonction du niveau de vie des îles.

« La SGTM est obligée de s’adapter au marché, au pouvoir d’achat entre les îles. Au départ de Mayotte le pouvoir d’achat n’est pas le même qu’au départ de Ndzuani vers Moroni. Il est normal qu’on fasse aussi des efforts, mais on peut faire ces efforts de tarif de 20.000 francs en moyenne entre Mutsamudu et Moroni grâce aussi à la ligne Mayotte-Ndzuani », a-t-il expliqué.

Michel Labourdere a énuméré les actions de bienfaisance de sa compagnie dans les îles, à Ndzuani notamment et émet le vœu de voir les infrastructures portuaires se moderniser dans les autres îles « pour la régularité de nos opérations ». Le gérant souhaite mieux rentabiliser le trafic et professionnaliser encore davantage ses activités mais il pose des préalables. « On aimerait faire plus de rotations entre Mutsamudu et Moroni, et donc on a hâte que les ports primaires soient désengorgés, désensablés, protégés et sécurisés », a-t-il conclu.

De notre correspondant aux Comores A.S.Kemba

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