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Mamoudzou

Après avoir doublé en 7 ans, attention, les recettes des communes sont moins dynamiques

Comment se portent les communes de Mayotte ? Après le big push de 32% des recettes supplémentaires en 2014 avec la mise en place de la fiscalité de droit commun, c’est avec le cadastre et les impôts locaux qu’est arrivé leur salut. Faute de nouvelles grosses perspectives de hausse, il va falloir gérer serré. L’AFD publie l’Observatoire du bloc communal, leur bulletin annuel de santé.

Premier indicateur, les rapports de la Chambre régionale des Comptes qui sanctionnaient régulièrement les dérives des maires, se font de plus en plus espacés, voire saluent les efforts faits. Mais de là à mettre en place des aménagements digne d’une riche commune de métropole, il y a encore un pas.

L’Observatoire annuel de l’AFD (Agence Française de Développement) qui se penche chaque année sur le bulletin de santé des communes, examine dorénavant également les 5 EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunal) que sont les communautés de communes (elles sont 3) et communautés d’agglomération (2). Récentes, ces dernières n’ont pas encore trouvé leur régime de croisière.

La 4ème édition de l’Observatoire du bloc communal se tenait ce mercredi matin dans les locaux de la CCI à Mamoudzou. En plus des élus et DGS, la préfecture était très représentée, notamment par la plateforme d’ingénierie du SGAR et par la voix de Maxime Ahrweiller-Adousso, Sous-préfète à la relance, qui se voulait rassurante en regardant dans le rétroviseur : « La situation s’est considérablement améliorée, il y a10 ans, la quasi-totalité des communes était sous-tutelle, sans capacité d’investir. Si l’investissement reste encore limité, le potentiel avec des DGS dynamiques, est là. » Mieux, Mayotte serait l’unique consommatrice des fonds débloqués par le ministère des Outre-mer.

Prenant les devants sur les indicateurs 2020 qui allaient être dévoilés, le DGS de l’Association des Maires de Mayotte (AMM), Mohamed Moindjié, au nom de son président, énonçait les contraintes que doivent surmonter les collectivités mahoraises, « la double pression démographique et migratoire, et les risques naturels », qui demandent des budgétisations à la hauteur, « demain se prépare aujourd’hui, et ensemble, collectivités et Etat ».

Maxime Ahrweiller-Adousso : « La situation s’est considérablement améliorée »

20.000 nouveaux propriétaires priés de verser leur obole

Pour comprendre le contexte auquel doivent se plier les communes de Mayotte, il suffit de savoir qu’elles tirent majoritairement leurs recettes de l’octroi de mer et de la dotation de l’Etat (Dotation globale de Fonctionnement, DGF), alors que ses sœurs ultramarines peuvent compter sur les impôts fonciers pour environ la moitié de leurs recettes. La cause : toutes les habitations n’étaient pas recensées au moment où Mayotte a basculé dans la fiscalité de droit commun en 2014, et la plupart des ménages ne sont pas imposables. A titre d’exemple, le niveau de vie annuel médian était ici de 3.140 euros en 2018, alors qu’il était de 11.000 euros en Guyane, qui sert habituellement de DOM de comparaison. C’est à dire que la moitié de la population gagne moins de 3.000 euros par an à Mayotte.

En 2016, nous avions révélé l’étude de l’économiste Philippe Nikonoff qui rapportait que dans le cas de ménages assujettis à l’impôt mais qui en sont exonérés, l’Etat devait prendre en charge le manque à gagner auprès des communes, mais qu’un déficit d’identification ne le permettait pas. On constatait alors que le nombre de propriétaires identifiés dans le cadastre remis en février 2016, était inférieur à 60% des données INSEE qui donnait 63.000 habitations, dont 50% de cases en tôle.

Le service des impôts (DRFIP) réagissait en prenant deux décisions. « Nous avons mis au point un rattrapage foncier en comparant la photo aérienne au plan cadastral. Nous avons mis au jour 20.000 bâtis supplémentaires de 2018 à 2020 notamment grâce au financement de l’AFD », explique le représentant de la DRFIP lors de l’Observatoire. Les communes voient leurs recettes monter en flèche, « mais elles n’ont pas été très actives dans cette phase de recensement », regrette-t-il. Pas très populaire sans doute d’inviter ses administrés à se mettre en règle, mais chacun doit s’y retrouver ensuite dans les aménagements et autres investissements.

Frilosité des permis de construire

Comparaison avec les autres DOM : en bleu marine, les recettes fiscales, en bleu ciel, la DGF et en gris, l’octroi de mer

Les finances des communes ont donc connu une embellie avec des recettes « qui ont doublé entre 2013 et 2020 », indique l’AFD, d’autant qu’elles ont été épargnées par l’effort national de diminution de finances publiques qui a été imposé au reste du pays, mais surtout, elles ont bénéficié du transfert de ressources qui ont été déployées en 1946 lorsque les consœurs accédaient au statut de DOM, et du juste retour dans leurs caisses des recettes de l’octroi de mer qui partaient vers le conseil départemental. Avant l’annulation progressive sur le plan national de la taxe d’habitation qui est compensée par l’Etat, les communes ont également eu un manque à gagner après la baisse de 60% des valeurs locatives (alors exagérément élevées) en 2018, dont la contrepartie n’a été versée que l’année suivante par l’Etat.

Un gros effort est encore à mener sur la perception des impôts locaux puisque, si l’Etat contribue au même niveau qu’ailleurs, leurs recettes est de 708 euros par habitant en 2020 contre plus de 1000 euros sur les autres territoires. « Pour éviter de toujours être sur un rattrapage de l’évaluation des constructions, il faut impérativement que les permis de construire soient déposés. Or, il n’y en a que 800 en moyenne chaque année, cela ne reflète pas la réalité. Les maisons ainsi construites ne peuvent pas être fiscalisées, ce qui prive les autres citoyens en règle de l’égalité devant l’impôt », complète le DRFIP.

D’où 4 préconisations : que la DEAL (Direction de l’Equipement) mettre en place une police de l’urbanisme, la création d’un observatoire fiscal, l’élargissement des bases fiscales et la mise en place d’un pacte financier fiscal pour cibler les priorités du territoires en fonction des recettes.

Ce travail d’explication et de conseil de gestion de budget et de comptabilité, ce sont 5 cadres débloqués par la direction des finances publiques qui le font. Et c’est la 2ème décision du service de l’Etat, une promesse tenue pour améliorer la gestion des communes. Ces 5 cadres A mis à disposition, les maires sont priés de les solliciter, « ce n’est pas rien comme effort de la part de l’Etat. »

Veiller à l’entretien du Pôle culturel de Chirongui

Le boulet de 78% de dépenses incompressibles

Si les recettes de fonctionnement quotidien donne lieu à un large chapitre de l’Observatoire, les dépenses de fonctionnement (masse salariale, factures d’eau et d’électricité, fourniture de bureau et subventions aux associations et aux deux syndicats SMEAM, eau et assainissement, et SIDEVAM 976, déchets) étaient aussi passées à la loupe. Si elles augmentent peu en 2013 avec des nouveaux maires qui écopent de finances désastreuses liées au déficit de recettes, elles subissent un rattrapage ensuite, notamment en raison de la mise en place de l’indexation de salaire de 40%, échelonnée jusqu’en 2017, mais aussi à des prestations extérieures et des titularisations, « les charges de personnels augmentent de 53 millions d’euros jusqu’en 2020, alors que les autres charges ne prennent que +13 millions d’euros. »

Mettre le paquet sur la masse salariale impacte directement l’épargne à dégager pour investir, « ainsi que le secteur privé en allongeant les délais de paiement des fournisseurs », commentait le cabinet KPMG, chargé par l’AFD d’évaluer la performance de l’action publique. De plus, ce sont des dépenses dites « rigides », puisque incompressibles, « Mayotte est le département au plus fort taux de rigidité, 78% dont 90% sont des charges de personnels ». Il mettait en garde contre la budgétisation insuffisante de l’entretien des infrastructures et invitait à un « meilleur contrôle des deux syndicats, SMEAM et SIDEVAM, des CCAS et du Pôle culturel de Chirongui ».

Les perspectives d’avenir sont moins dynamiques en terme de recettes qui ont abondé largement lors de l’alignement de la fiscalité locale. Elles sont cantonnées au rattrapage foncier et au développement de taxes spécifiques. Maitriser les charges de fonctionnement est donc indispensable, malgré le nécessaire recours aux compétences pour poursuivre le rattrapage. Un exercice d’équilibriste pour les communes.

Anne Perzo-Lafond

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