Ce n’est pas la première fois que vous venez sur le territoire. Votre double casquette, associative et institutionnelle en tant qu’ancien directeur de la PJJ, vous permet-elle une compréhension globale du phénomène de délinquance juvénile à Mayotte ?
Maxime Zennou : Cela fait en effet 10 ans que je suis dans le groupe SOS, en étant détaché du ministère de la Justice où j’ai été directeur de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Le constat que j’avais fait en arrivant ici pour la première fois, c’est celui d’un « effet Canada dry ». L’action publique semble être menée, mais pas avec les mêmes moyens que dans les autres départements. Il y a 10 ans, la PJJ ici était peu dotée. Il y a eu un rattrapage, mais il faut poursuivre. C’est le même problème en matière de prévention. L’aide sociale à l’enfance du conseil départemental a longtemps été dénuée de moyens, avec seulement quelques familles d’accueil. Depuis, un travail de plus en plus important est lancé, mais il est loin d’être fini. Idem pour les PMI, elles manquent de moyens. Globalement ici, et sur tous les sujets, l’échelle des réponses ne correspond pas à l’échelle des problématiques. Nous devons tous y remédier ensemble.
Pour prendre en charge les jeunes en errance, Mlézi a ouvert la première Maison d’Enfants à Caractère social (MECS). Un centre éducatif fermé est régulièrement demandé, réitéré par le rapport sénatorial sur la « Sécurité à Mayotte ». Y a-t-il d’autres structures en gestation ?
Maxime Zennou : Le Centre éducatif fermé est indispensable et permettra de gérer une vingtaine de gamins par an. Mais des milliers d’enfants sont déscolarisés, là encore, l’échelle des réponses n’est pas à la hauteur de l’échelle des problématiques. C’est pourquoi Mlézi a mis en place l’accueil de jour à Mtsangabeach. Nous ramenons les enfants en bus pour leur procurer une préscolarisation, les nourrir et qu’ils soient vus par une infirmière. Nous mettons également en place un 2ème dispositif similaire, un accueil de jour territorialisé, qui s’adresse aux 500 mineurs sans référent parental. Car si le conseil départemental en prend en charge une partie, le flux d’arrivées est constant.
Je rajoute que nous attendons un autre rapport confié aux inspecteurs généraux de différents ministères.
Mlézi a aussi mis en place un dispositif de rapprochement familial des enfants vers leurs familles à Anjouan, nous avait annoncé son directeur M’houmadi Dahalani. Où en est-on ?
Maxime Zennou : Le projet intitulé « Réunification parentale » a le soutien de toutes les autorités pour que le retour soit sécurisé, il ne reste qu’à obtenir l’aval du ministère des Affaires étrangères. Nous attendons leur feu vert, j’ai interpellé le préfet sur ce sujet. Il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant qui est de retrouver sa famille et non de trainer dans des bidonvilles. Le budget est alloué, tout est prêt notamment avec notre partenaire associatif comorien, il ne reste plus qu’à obtenir le laisser passer.
En conclusion, je dirais que le maillage du territoire par des dispositifs d’accueil de jour en attendant la scolarisation, doublé par une reconduite des mineurs isolés auprès de leurs familles, permettrait de faire un grand pas en avant. En attendant bien entendu de développer structurellement le territoire comorien. Nous espérons que les campagnes politiques qui s’ouvrent seront propices aux prises de décision !
Recueillis par Anne Perzo-Lafond