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Rivo : « Sans constructions scolaires, pas d’amélioration du système éducatif dans le 1er degré »

Ce n’est un secret pour personne, une des grandes perdantes de l’immigration clandestine à Mayotte, c’est l’Education nationale. Avec prés de 10.000 naissances par an et des arrivées de kwassas avec de jeunes enfants, l’enjeu est énorme. Un rythme que ne suivent pas les constructions d’écoles dans le primaire. C’est un des grands défis affichés depuis toujours par Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental du FSU-SNUipp, qui tenait une conférence de presse ce mercredi.

Selon la loi, la commune détient la compétence de la construction et de l’entretien des écoles publiques de son territoire. Une compétence que les maires avaient transféré à Mayotte au syndicat mixte d’investissement et d’Aménagement de Mayotte (SMIAM), mais en 2013, le préfet s’étonnait que les 36 millions d’euros versés ne génèrent qu’une seule salle de classe. Le SMIAM était alors démantelé, mais non encore dissout en raison de problèmes de régulation foncière.

Depuis, Rivo fait de l’œil à l’Etat pour que la compétence soit reprise en main, le temps d’une remise à niveau, « je ne comprends pas pourquoi, les maires n’y sont pas favorables, alors que l’Etat assure les constructions des établissements du second degré à la place du conseil départemental. » Selon lui, le préfet Colombet aurait fait bouger les lignes en annonçant que l’Etat prendrait en charge la totalité des constructions scolaires, « information relayée par la député Ramlati Ali ». Mais il déplore qu’ensuite, ce soit un plan de cofinancement qui ait été proposé pour la rénovation et les constructions scolaires, « les maires regrettent d’avoir une quote-part à verser ».

Une participation de 10 à 15% qui pourrait pourtant leur mettre le pied à l’étrier, et aller vers une autonomie de cette compétence, mais selon le syndicaliste, « il y a un manque de volonté politique de l’Etat et des maires. » Tout en rajoutant que les moyens ont été largement augmenté, « nous sommes passés de 10 millions d’euros par an pour les constructions scolaires, à 30 millions. Mais la situation est de plus en plus sinistrée. Et malgré nos demandes, nous n’obtenons pas de bilan du Plan pluriannuel de constructions scolaires de la part de la préfecture. »

Proposition de cofinancement 84%/16% de l’Etat en juillet dernier

Le cercle vicieux de la rotation

Ce serait dommage de passer à côté des 10 projets de rénovations et de constructions des bâtiments scolaires annoncés par le ministère des outre-mer le 22 juillet dernier, qui prévoient notamment les rénovations et créations de salles de classe dans 5 communes, l’Etat en finançant 84%. « Le recteur a indiqué qu’il manquerait 800 salles de classes ».

Sans construction, le nombre de jeunes à accueillir ne va cesser de croitre, plombant un peu plus la scolarité de l’ensemble, « alors que les rythmes scolaires avaient pu être mis en place notamment, à Bandraboua, maintenant ce n’est plus possible, quasiment toutes les écoles sont en rotation. » L’application des rythmes scolaires à Mayotte avait permis de scolariser les élèves sur la journée, alors qu’ils n’étaient pris auparavant qu’en demi-journée, mais l’affluence des inscriptions oblige à basculer en rotation, en utilisant une même salle pour deux classes, l’une en matinée, l’autre en après-midi. « Une régression » qui impacte aussi les CP et CE1 passés théoriquement à 12, « certains sont à 16 ». Une amélioration malgré tout par apport à ce qui se faisait il y a 10 ans, mais hors des clous des consignes nationales.

Une pénurie d’école qui fait peser un fardeau sur le niveau scolaire, pour Rivo. Nous l’interpellons sur les évaluations d’entrée en 6ème qui traduisent une majorité de déficits d’apprentissage, dont quasiment un tiers de non-lecteurs non scripteurs, tel que nous l’indiquait un enseignant de collège. Selon lui, cela relève de la difficulté qu’ont les professeurs des écoles à enseigner à des enfants qui n’ont pas suivi une scolarité normale en maternelle : « En métropole, les élèves qui entrent en CP ont déjà suivi 3 années de maternelle, pas ici en raison du manque de salles de classe. Beaucoup sont encore déscolarisés ».

« Avec le recteur, il y a écoute et entente »

éducation nationale, Mayotte
Une des dernières écoles inaugurée à Koungou Maraicher

Soulignons que Mayotte qui tentait de rattraper son retard a pris de plein fouet la mesure nationale de la scolarisation obligatoire dès 3 ans, gonflant mécaniquement les taux de déscolarisation. Sans les approuver, il rapporte les chiffres du rectorat, « 40% de déscolarisés en petite section, et 30% en grande section. »

Il dénombre environ 75% d’élèves en difficulté, et demande davantage d’enseignants spécialisés, « le recteur parle de différenciation, mais si en métropole sur une classe de 25, ils sont 5 en difficulté, ici, la proportion est inversée, ils sont 20. » Un besoin essentiellement en UP2A (Unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants), « dans mon école on en a un seul pour 280 élèves. » Pour résumer, « sans amélioration du bâti, on ne peut attendre d’amélioration du système éducatif dans le 1er degré ».

Si cela fait quelques temps que le SNUipp n’a pas communiqué, c’est que la relation avec l’actif recteur de Mayotte Gilles Halbout qui a annoncé de nombreuses avancées de retour de Paris, est plutôt bonne, « nous sommes habitué à demander le départ des recteurs, là non ! Il y a écoute et entente, dès qu’il y a une possibilité de faire quelque chose, il réagit. »

Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des revendications, « depuis le mois de juin, le recteur parle de groupes de travail ministériel sur nos doléances, notamment sur l’indexation à 53%, en indiquant qu’il faut les mettre en place avant la campagne présidentielle, mais nous ne voyons rien venir. Cela a été décalé de septembre à octobre, on se demande si on ne nous balade pas. Si rien ne se passe en novembre, nous entamerons un long mouvement. Pourtant, nous avons démontré que nous étions dans le dialogue. »

Anne Perzo-Lafond

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