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Ils cambriolent deux fois la même maison et prennent jusqu’à 5 ans ferme

En pleine frénésie des "coupeurs de route" à Mayotte, une bande de pieds nickelés avait entrepris un périple criminel de plusieurs jours, avec, comme fil conducteur, la voiture volée lors de la première attaque. Cinq ans plus tard, la bande a enfin été condamnée.

Cinq faits, cinq prévenus, et une escapade de deux semaines qui a fait onze victimes. Cette folle histoire commence en décembre 2016, année marquée par les coupeurs de route qui écumaient l’île, n’hésitant pas à braquer et violer et instaurant un climat d’insécurité qui a largement survécu à leurs agissements. Dans ce contexte, un groupe de comparses voulait lui aussi tenter sa chance. Ils avaient l’ambition, les armes, il ne leur manquait que la jugeotte pour ne pas laisser d’indices à chacun de leurs méfaits.

Le premier d’entre eux est un vol en réunion commis le 17 décembre 2016. Ce jour-là, les malfrats repèrent un groupe de randonneurs à la cascade de Soulou. Ils leur tendent une embuscade sur le chemin du retour vers leur lieu de stationnement. L’agression dure près d’une demi-heure, émaillée de menaces de mort, et génère pour les victimes un « retentissement psychologique important ». Les voleurs embarquent des effets personnels mais aussi la voiture, une Toyota rouge qu’ils utiliseront durant les deux semaines suivantes -en y ayant apposé la plaque d’un autre véhicule-. Peu après, deux autres personnes sont à leur tour agressées, mais quittent l’île avant d’avoir pu être entendues.

Le 20 décembre, la Toyota rouge est aperçue à Bouéni, en repérage. Ses occupants se lancent dans un violent cambriolage le soir-même. Les propriétaires, âgés, sont malmenés. La dame présentera des bleus pendant près de deux semaines. L’époux, profondément choqué, verra son état de santé péricliter. Il est décédé depuis.
L’épouse et le fils ont tenu à témoigner.

« Je ne souhaite ça à personne »

« Je vais essayer de vous raconter ce que j’ai vécu. Car depuis ce jour je ne suis pas tranquille chez moi. La première fois qu’ils sont venus chez moi, ils ont pris nos affaires. En me reveillant j’ai cru que c’était une souris, mais c’était des voleurs. J’ai entendu un boum, j’ai jeté un coup d’oeil par la fenêtre. Abasourdie, je vois 3 hommes entrer dans la chambre, j’ai crié à mon mari “réveille toi, les voleurs sont entrés”, un des 3 a brandi un couteau et a dit “ferme ta bouche ou tu vas mourir”… je suis tombée il s’est assis sur moi et m’a fermé la bouche » raconte d’une voix fébrile la dame.

Les prévenus eux, disent d’abord reconnaître leur implication, mais en niant toute violence ou port d’arme. Une ligne de défense qui ne passe pas.

La victime poursuit son récit poignant. « J’ai supplié ‘ne tuez pas mon mari, tuez moi à la place, il a répondu ‘vous allez fermer votre gueule !’ Mon mari était choqué. Depuis il est parti, et c’est un peu à cause d’eux car il n’a plus été le même après ça. Je veux leur demander, pourquoi ils sont venus ? Pour me tuer mon mari et moi ? Nous avons travaillé 27 années de dur labeur, en un seul jour ils ont ruiné notre vie, qu’ils arrêtent avec leurs mensonges.”

Un choc psychologique d’autant plus fort que les voleurs n’en restent pas là. Interrompus ce premier soir par le fils des victimes, qui les poursuit jusqu’à se faire à son tour violenter, les voleurs se rendent à Dembéni où ils commettent d’autres violences et dégradent un véhicule, puis reviennent le lendemain dans la maison de Bouéni, pour y voler un coffre qu’ils avaient repéré la veille, et qu’ils supposaient rempli de richesse. Cette fois encore, des voisins prennent leur courage à deux mains pour mettre en fuite les voleurs qui laissent sur place de nombreuses empreintes génétiques.

Jusqu’à 6 ans requis

Après sa mère, le fils qui avait mis en fuite les voleurs apporte sa pierre à l’édifice judiciaire. « Ces deux nuits ont été très difficiles pour nous, ma femme, mes enfants, car on vit juste à côté. C’est pas évident de voir ses parents violentés par des individus qui pénètrent dans leur demeure et saccagent tout. Mon père n’est plus là, son état de santé s’était dégradé depuis ces événements. Ces individus affirment qu’ils n’ont pas fait grand chose mais ce qu’on a vécu, je ne le souhaite à personne. C’est difficile de voir son père en sang. Sa mère en sang. Si je ne m’étais pas réveillé, je me demande si ma mère serait encore là. Je ne peux pas trouver de mots pour décrire ce qu’on a vécu. Je demande à condamner fermement ces gens là. La justice, je ne demande que ça. »

Leur avocate, Me Mattoir, dénonce « deux nuits d’acharnement » et démonte la défense des prévenus. « Ce n’est pas une erreur, une erreur c’est une fois, pas deux fois auprès du même couple ». Surtout quand les hommes à la barre se plaignent d’une détention « compliquée », de n’avoir « pas vu les enfants depuis longtemps », et vont jusqu’à demander à changer de prison. « On reconnaît les gens abonnés à la culture de l’excuse, on ne s’excuse pas en tournant le dos aux victimes ou en raison des conséquences sur sa propre vie, ça c’est nier la souffrance de la victime. Allez effectuer vos peines aux Comores et vous verrez si c’est compliqué la prison à Mayotte. Vous demandez à changer de prison, pourquoi pas la couleur de votre cellule ou un lit king size ? Vous avez été scolarisés, on vous a donné votre chance. Les gens qu’ils volent ont travaillé dur pour avoir ce qu’ils ont. Mais ces gens là n’ont cure de tout ça » plaide l’avocate.

Après les « réquisitions de cour d’assises » du procureur qui réclamait jusqu’à 6 ans de détention, les juges présidés par Laurent Ben Kemoun ont prononcé des peines allant de 18 mois ferme pour le « simple guetteur », à 5 ans de prison pour les plus impliqués.

Y.D.

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