Beaucoup d’évènements étaient proposés à Mayotte pour ces Journées européennes du patrimoine au regard de la situation sanitaire qui avait pu laisser craindre le pire. Essentiellement dans la continuité des autres années, avec ses visites d’usine sucrière, de techniques de construction de banga en torchis, ou d’ateliers de maquillage. Des petites nouveautés aussi, avec l’atelier sur les divers usages du baobab, ou ceux de la poudre blanche tani malandi dans la médecine traditionnelle, ou la valorisation du kibushi comme outil de médiation.
A Mamoudzou, la direction de la culture avait choisi deux pôles pour le lancement des JEP 2021 : la place de l’ancien marché, où avaient pris place plusieurs activités, et la maison de la culture, plus haut, anciennement propriété de la caisse de sécurité sociale. Elle abrite une petite exposition de photo que vous pourrez découvrir après que les JEP aient baissé leur rideau. « C’est toute ma vie qui défile là ! », s’exclamait un visiteur. « Là, à Kavani avant, on apportait la pouzzolane pour les fondations des quelques maisons parmi toute cette verdure »… qui a laissé place à une urbanisation têtue. Une photo rappelle que c’est la société Shell qui servait auparavant Mayotte en hydrocarbures, « la station en photo là, c’est l’emplacement actuel des pompiers. On n’avait pas l’électricité à l’époque, c’était pour les lampe à pétrole ». Dommage, les photos ne sont pas datées.
« On attendait que la mer se retire »
A Kavani, une ancienne briqueterie de Brique de Terre compressée, « la 1ère de l’île, qui a laissé sa place et son nom à l’école ». Une vue de Doujani illustre l’avancée de la mer avant le remblai et la naissance du terreplein où est sise la DEAL, « lors des grandes marées, l’eau envahissait la chaussée, il fallait attendre que la mer se retire pour passer. »
Un boutre (petit navire de commerce généralement à voile, mais ici à moteur) rappelle cette période pas très lointaine où ils accostaient à Longoni en provenance d’Anjouan, pour décharger leurs oignons, « mais sur cette photo, c’est à Mamoudzou, là où se construit la gare maritime qu’ils accostaient et où débarquaient les passagers en provenance des îles voisines », poursuit notre visiteur. L’exposition est permanente, on ne saurait trop recommander aux habitants de diriger leurs pas vers le haut de la place de l’ancien marché où l’exposition peut être visitée à l’envi.
Jeux et jouets pour tous
En contrebas, sur la place Zakia Madi (ex-ancien marché), « symbole patrimonial », nous fait remarquer l’adjoint au maire chargé de la culture Dhoul-Mahamoud Mohamed, la sono est à fond pour le lancement des JEP 2021, des chants, pour accompagner le visiteur qui découvrira un atelier de conception de masheve en feuille de coco, « ça, ils peuvent le faire toute l’année avec l’artiste Conflit de Iloni », ou qui pourra fabriquer des objets en céramique entouré des conseil de Juliette Pélourdeau, « il faut compléter notre jeu de petits chevaux par de nouvelles pièces », certaines se prêtent au jeu avec talent.
Là encore, tout ne se termine pas dimanche soir, « mes productions sont en vente au marché de Coconi, les premiers samedis du mois », indique-t-elle.
Collant au thème de l’année, « Patrimoine pour tous », une exposition de jeux anciens pour grands et petits, met en évidence le m’raha traditionnel, un shibalamatso (colin-maillard), ou un atelier de gari kakazu (voiture en bois) au volant de laquelle grands et petits pourront s’installer, nous expliquent Yasmine Thany, Responsable du développement culturel à la mairie, et Mohamed Abdou Hamissi, dit « Béret », Chargé du patrimoine culturel. « Et nous sommes fiers d’avoir fait de cette maison qui appartenait à la sécurité sociale, la maison de la culture, car c’est le dernier bâtiment du coin construit par la SIM en matériaux locaux, qui n’a pas brûlé. »
En Petite Terre, les JEP 2021 étaient lancées avec les institutionnels. Pour le président Ben Issa Ousseni, « ces Journées européennes du patrimoine sont l’occasion de partager notre passion pour les richesses patrimoniales, naturelles comme culturelles…. ». Cette matinée était aussi l’occasion d’honorer Eugène Schublin, un ingénieur agricole à la retraite, installé à Mayotte depuis plus de trente ans, qui a donné au MuMA l’intégralité de sa collection personnelle d’histoire naturelle, et notamment de coquillages.
Les Journées du patrimoine se sont terminées dimanche à Mamoudzou par un Dinahu (l’orthographe exacte n’est plus Dinahou, en vertu de l’alphabet validé par le conseil départemental, ça aussi c’est du patrimoine !), une danse d’hommes, l’équivalent du Debaa pour les femmes, « c’était notre animation phare ».
Anne Perzo-Lafond