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vendredi 17 janvier 2025

Tribune – « Qui pour succéder à tonton Marcel ? », interroge Nabilou Ali Bacar

Qui pour défendre la cause mahoraise à la hauteur de l’investissement de feu le sénateur Marcel Henry ? Alors que devant les caméras, tout le monde se revendique de quelque chose, et surtout de lui, quelle est la part d’artifice ? Les actions et les réflexions se comptent sur les doigts d’une main. Chacun doit faire son introspection, invite Nabilou Ali Bacar.

Elu par le peuple, une évidence ! Agir pour le peuple, une démarche probablement moins spontanée !

[Tonton Marcel], comme l’a écrit affectueusement notre conférencier Bouba dont une partie de la vie était au service de ceux-là, un des plus illustres Sorodas*, n’est plus.
En 27 ans de fonctions électives, le Sénateur Marcel Henry a su, avec spontanéité à l’instar d’autres, agir pour le PEUPLE Mahorais. Quelques-uns de la distinguée classe politique de cette génération et probablement tous, l’ont démontré. Ils marqueront à jamais la mémoire collective.

Pas une seule autorité politique nationale ne foulait le sol mahorais sans qu’on lui rappelle inlassablement, « Mayotte département de la République française ». Les référendums se sont succédé jusqu’au dernier de 2009. Pour ces Sorodas, nobles serviteurs de Mayotte qui ont occupé le devant de la scène, se préoccuper du PEUPLE Mahorais, puisque l’un ne va pas sans l’autre, c’est aussi batailler pour la programmation d’équipements, base de développement économique et social : équipements scolaires, électrification rurale, l’adduction d’eau potable, le port en eau profonde, la piste longue, la voirie, l’assainissement… Un certain 1er Ministre de l’époque dira « on ne met pas la charrue avant les bœufs ». Où en sommes-nous de ces sujets majeurs qui, depuis peu, semblent être appropriés par la revendication populaire, comme pour rappeler aux diverses autorités politiques et administratives leur possible inaction en la matière ?
Le chef Marcel n’est plus des nôtres. Son seigneur l’a rappelé à lui. Mais au fait, celui dont la parole était rare mais particulièrement audible a quitté la scène politique depuis 2004.

Marcel Henry, Mayotte
« 17 ans après son retrait, tonton Marcel a-t-il influé sur nos choix politiques ? (Photo exclusive Anne Perzo-Lafond)

« Mais que veulent les Mahorais ? »

Lui et les autres ont placé Mayotte dans la trajectoire souhaitée par le PEUPLE.
Dans l’incarnation politique d’aujourd’hui, que reste-t-il de ce qui a fait aboutir ce noble combat qui a tant fait leur distinction ?

Nous n’avons pas été harpagons d’hommages pour souligner, comme un seul homme, d’abord les qualités de notre bien-aimé sénateur – s’affranchir des divisions –, l’intransigeance et la pugnacité dans la défense de ses opinions au service de sa cause, et de ce pourquoi il a été porté aux suffrages. Ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin peuvent tous avoir à nous raconter leur histoire avec le personnage. C’était une sacrée époque de l’histoire de Mayotte où il fallait convaincre, vaincre les oppositions, et faire taire les divergences.

Reprendre le flambeau pour la jeune génération en responsabilité élective, voilà une belle déclaration !

Mais la preuve par les actes. Les serviteurs de la cause mahoraise sont pléthores, une véritable armée mexicaine. Mais celle-ci est-elle réellement défendue ? Est-elle audible ? La cause du PEUPLE Mahorais n’est-elle pas reléguée derrière les autres urgences des autres communautés présentes à Mayotte et appelées à devenir les futurs français ?
Mais au fait, que veulent les Mahorais après avoir obtenu leur statut qui d’aucuns admettent n’est pas une fin en soi ? L’abondance d’acteurs politiques, indiscutablement n’est plus le sujet. Comment faire société pour conduire l’après-départementalisation de l’île ? Quelle mémoire collective avons-nous constitué pour nous hasarder à vouloir perpétuer le flambeau d’une génération de femmes et d’hommes qui ont pratiqué en quelque sorte la révolution rose, nos fameuses chatouilleuses, pour se séparer de l’ensemble comorien au profit de la France ? Peu nombreux ils étaient, et efficaces, assurément.

Où sont les vrais penseurs ?

Fonds européens, GIP, Mayotte
Un legs des anciens quand les couleurs du département flottent aux côtés de celles des drapeaux français et européens.

Où est la génération de celles et ceux qui ont peut-être tenu le script pour le compte de ces grandes figures politiques qui ont initié et conduit le combat mahorais ? Ceux-là ont certainement une mémoire à nous partager sur la manière d’engager ce développement tant appelé de nos vœux pour le mieux-être de nos concitoyens. Ou attendons-nous qu’ils soient à leur tour rappelés à notre seigneur pour ressasser de nouveau – nous devons reprendre le flambeau ! Le temps joue contre nous. 17 ans après son retrait de la vie publique, tonton Marcel a-t-il influé sur nos choix politiques ? Difficile de le vérifier, chacun pourra raconter son « moi je … » avec le Sénateur. A quand le « nous » ?

Mais quel a été donc cette recette qui a fait réussir nos aînés dans le portage des sujets mahorais ? Une partie de la réponse ne consisterait-elle pas à commencer par taire nos divergences, ensuite défendre des intérêts moins catégoriels ou électoralistes pour espérer être en position en cas de besoin, de pouvoir dire à l’Etat « NON KARIVENDZE** » sur telle ou telle orientation décidée par ce dernier ? Voilà pour moi le cocktail pour nous engager à vouloir perpétuer le flambeau légué par nos anciens.

Les Mahorais, français dans leur île depuis 1841, ont aussi des doléances : la programmation d’équipements de base du développement économique, social et environnemental, un meilleur cadre de vie, la restructuration des villages traditionnels mahorais, un système de santé et social digne d’un département relevant de l’identité législative, un cadastre fiabilisé qui exige abnégation et persévérance quant à leur portage et défense.

L’inflation de nouvelles urgences ne doit pas faire oublier cela. Rappelons-nous des 17 communes de Mayotte, celle de Boueni, à 7 villages, était le dernier à accueillir en son sein un collège. Ce dernier était annoncé depuis au moins 2001.

Ma conviction est que, pour mieux bâtir l’avenir, nous sommes condamnés à aller à l’encontre de l’amnésie qui s’abat de manière lancinante sur nos politiques, tel un malade d’Alzheimer dont la perte de mémoire est inexorable. Ce n’est qu’une question de temps.

Nabilou Ali Bacar, Observateur de la vie publique

*Soroda : pour la séparation d’avec les Comores
** « Nous n’en voulons pas »

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