Détruire des logements, fussent-ils insalubres, et en éloigner les habitants est « humainement difficile » reconnaît le maire de Ouangani, ça « demande du courage » poursuit l’édile en présentant à Sébastien Lecornu ce qui était il y a peu un vaste bidonville. Terrassé et nettoyé, le terrain accueille désormais le nouveau hub de Kahani, et sa partie haute est en travaux. La seule constante depuis la destruction, c’est donc la présence des bulldozers.
Invité à visiter ce site devenu un symbole des destruction de bidonvilles opérées dans le cadre de la loi Elan qui donne au préfet des pouvoirs élargis pour procéder à ces « décasages », le ministre a pris le temps de se faire déposer près du lycée, délaissant son cortège de véhicules au grand dam de son service de protection, pour se rendre dans un quartier précaire voisin, et y visiter une case en tôle, où il a pu, d’une part se rendre compte d’une certaine réalité difficile à imaginer depuis Paris, mais aussi évoquer la crise sanitaire et rappeler la nécessité pour les équipes de vaccination de se rendre davantage auprès des habitants qui y ont le moins facilement accès.
Reste qu’à l’issue de cette visite improvisée et « émouvante », le ministre a rappelé sa « détermination » dans la lutte contre l’habitat insalubre. « Ce qu’on vient de voir n’a pas sa place dans la République » a-t-il soutenu, devant un parterre d’officiels mais aussi d’habitants des cases alentours, massés le long des grilles qui entourent le chantier du nouveau hub.
Détruire plus vite
« Si on ne traite pas la question de l’habitat illégal et celle de la construction de logements, on passerait à côté de quelque chose » a-t-il développé, souhaitant « tordre le cou à une situation enkystée ». Et de rappeler que si « l’Etat va prendre sa part », ce sujet n’est « pas que l’affaire de l’Etat » et que le rôle des mairies « doit être interrogé ». Avec un choix binaire, « exercer ses compétences », ou « être lâche » et « ne pas exercer ce métier et ne pas être maire ». Et d’assurer de « l’engagement de l’Etat » auprès des maires qui prennent leurs responsabilités.
Dès lors, « il faut déconstruire vite » plaide le ministre des outre-mer, « surtout quand ça vient d’être construit ». L’occasion d’annoncer un nouveau point de la loi programme pour Mayotte, « nous allons permettre la destruction immédiate de toutes les constructions illégales de moins de 96h ». Une extension de l’exception dite de flagrance qui permettait déjà aux maires de faire raser les habitations en cours de construction. « Ca n’a l’air de rien mais ça change tout, et ça vient acter l’idée que quand ça vient de se faire, on n’a pas la bêtise et le manque de bon sens de laisser cette situation prospérer ».*
Une politique qui « coûte de l’argent », lequel viendra « des lignes de mon ministère ». Dans la loi de finance, « on va remettre de l’argent sur la LBU, pour avoir des sommes disponibles rapidement pour déconstruire ».
Construire plus neuf
« La troisième des choses, c’est de construire des logements neufs » poursuivait le ministre. « Plusieurs outils sont sur la table », avec comme premier souci « l’accès au foncier ». La loi Mayotte devrait voir « la création d’un tribunal du foncier » pour « renforcer les pouvoirs de la CUF ». Ensuite « on ne peut pas construire sans ingénierie. La loi Mayotte va permettre de constituer un établissement public pour Mayotte où les maires et conseillers départementaux seront dans la gouvernance », ce sera un établissement de l’Etat qui mettra « des moyens sur la table » pour construire. Or, construire, « ça demande des bailleurs », « nos discussions avec l’action logement sont en train d’aboutir positivement, nous serons à même d’avoir ici à Mayotte un deuxième bailleur social, ce qui est une nouvelle essentielle puisque ce bailleur s’appuie sur des financements nationaux et paritaires, ce qui est aussi une bonne nouvelle. »
Pour le ministre, ce sont « autant de bonnes nouvelles que nous mettons sur la table » mais qui n’ont « pas de sens si nous ne continuons pas sur d’autres thématiques et d’autres combats » notamment « l’accès à l’eau potable », qu’il s’agisse de la distribution ou de la production. « On va continuer à mettre de l’argent ». 13 millions d’euros du plan de relance sont consacrés à l’eau potable à Mayotte.
Enfin les écoles « on l’a vu en traversant [le bidonville NDLR], et c’était émouvant, le défi de la construction scolaire est aussi important que le logement ».
YD