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Lutte contre l’immigration clandestine en mer : clarifier les enjeux

Sur le même mode que « l’insécurité c’est l’affaire de tous », l’immigration clandestine doit être une bataille partagée, martèlent les ministres. Ils pointent donc les responsabilités de chacun.

Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu mettent au crédit de l’action de leur gouvernement en matière de lutte contre l’immigration clandestine (LIC), l’opération Shikandra, et ses 20.000 interpellations. L’évocation du nombre de kwassa qui passent à travers les mailles du filet n’est plus aussi ferme, puisqu’ils ne sont par définition pas comptabilisables, « on peut imaginer que l’on interpelle les deux-tiers. Les chiffres de Mayotte sont la moitié des reconduites à la frontière au niveau national ».

Du côté des bateaux intercepteurs, la commande supplémentaire de deux semi-rigides ira de pair avec le renfort en équipage, assure le ministre de l’Intérieur, des pafistes comptabilisés dans l’annonce des 27 nouveaux policiers.

Sur le plan pratique, les ministres avaient beaucoup de choses à dire. Tout d’abord, la clarification légale de la zone couverte par les patrouilles en mer sera précisée dans une circulaire de simplification, où figurera les contours de la réponse pénale éducative pour les très jeunes. On ne sait pas encore quelle forme prendra ce document, mais il sera signé par les deux ministres présents, ainsi que par le ministre de la Justice.

Ensuite, le conseil départemental sera mis à contribution pour lever les contraintes sur la barge, « les étrangers reconduits ne sont pas prioritaires, et les passages des forces de l’ordre sont facturés 200.000 euros chaque année. » Enfin, ils demandent la levée ou l’assouplissement de l’octroi de mer sur le matériel de sécurité, « pour une paire de jumelle à 25.000 euros nous payons le double ! », s’étrangle Gérald Darmanin… Comme le commun des mortels.

Si beaucoup de kwassa touchent encore nos côtes, ils sont moins nombreux en provenance de l’Afrique des Grands Lacs, « il y a moins de demandes d’asile de cette région ». La procédure de demande d’asile accélérée annoncée par le ministre de l’Intérieur pour des pays non répertoriés comme étant à risque, notamment les Comores, doit freiner les ardeurs, « ils ont moins de chance d’être régularisés. » Sur ce sujet, la solution pourrait résider dans des missions plus régulière de l’OFPRA, mais elle n’a toujours pas été mises en œuvre.

Remorquage d’un kwassa intercepté par le Verdon

Des transferts de fonds comme une aide humanitaire

Les échanges que le président de la République avait voulu « sans tabou », incitaient le ministre Darmanin à revenir sur les mahorais qui continuent à « louer des cases aux clandestins », et sur les transferts de fonds, « les envois d’argent liquide représentent 30% du PIB des Comores ». Un taux qui relève plutôt de la contribution de l’ensemble des ressortissants comoriens et mahorais de France. A ce sujet, un excellent compte rendu avait été fait par une  délégation de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale en 2018, menée par la députée LREM Laetitia Saint Paul, qui évoquait la « saturation des services publics à Mayotte, écoles, hôpitaux, en donnant un flux estimé, « entre 25.000 et 30.000 entrants, pour 18.000 à 20.000 reconduites annuelles. » La délégation s’était rendue sur place et analysait que les Comores, le 21ème pays le plus pauvre du monde, avait tout à gagner avec l’immigration : « Leur diaspora leur reverse l’argent gagné en France, à hauteur de 25% de leur PIB. Les habitants de Grande Comore sont donc peu pressés d’aller travailler pour un salaire moyen de 300 euros par mois, ils font la queue devant la Western Union pour attendre les mandats. »

Le service de renseignement Tracfin sera sollicité, chargé de la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, « les complices seront de plus en plus poursuivis ».

La détermination des ministres semble totale et sans précédent, dommage que ce soit à quelques mois des élections présidentielles. Ils s’en dédouanent tout en mettant en garde contre les sirènes de « ceux qui se servent de Mayotte et font des promesses pour parler en réalité à l’Hexagone ». Et pour ceux qui râlent que rien n’est fait à Mayotte, « sous Sarkozy et sous Hollande, des décisions ont été prises. »

Il faut encore une fois exiger un calendrier d’application des mesures, sous peine d’une déception renouvelée. Et mettre l’accent sur la sécurité du territoire plus encore que dans la LIC.

Anne Perzo-Lafond

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