Le rêve de Nicolas Hilly commence en Bretagne, où il habite étant enfant. « On vivait au bord de la mer », raconte-t-il. « Je faisais du bateau tout jeune, j’étais à fond dedans. C’est depuis ce temps que je rêve de vivre sur un bateau et de voyager ».
Après une formation d’ébénisterie à Lyon, Nicolas Hilly s’établit en tant qu’artisan en Métropole. Au bout de quelques années, il décide de partir pour se rapprocher de la mer et avoir un bateau. Il s’installe à La Réunion puis à Madagascar, où il reste 10 ans. « Lorsque j’étais sur l’île Sainte-Marie, tout naturellement, je me suis dit que je pouvais allier les deux passions que j’avais : le bois et le bateau. J’étais familier avec la navigation et je connaissais le travail du bois. J’ai lu énormément d’ouvrages techniques sur la construction navale et ça m’a facilement parlé ».
Il construit à Sainte-Marie une première réplique d’un vieux gréement, un bac ostréicole. Il part ensuite à Mayotte pour réaliser son projet de construire un bateau de voyage. C’est lors d’un rassemblement de vieux gréements à Brest qu’il trouve le modèle qui lui plait vraiment. Il s’agit d’un langoustier mauritanien des années 1900, l’un des derniers bateaux de voile de travail. D’une longueur de 18m50 et une largeur de 6m50, ce bateau de 60 tonnes partait autrefois de Bretagne pour aller pêcher la langouste en Mauritanie.
Il se lance alors avec sa femme dans le projet de reconstruire ce modèle. Le chantier est établi sur la plage Mastara, mise à disposition par la mairie de Boueni, où il fabrique une palissade en feuilles de coco tressées et un atelier. La construction prend 5 ans. « Ma femme Delphine a partagé toute cette aventure. Elle continuait à travailler, on a vécu pendant 3 ans sur le bateau en cours de construction, avec nos enfants ».
« Je l’ai imaginé à 30 ans et fini à 50 »
Le cadre est idyllique, mais la période éprouvante. « Mon rêve c’était de vivre sur un bateau, mais aussi de le fabriquer moi-même. Je l’ai fait tout seul avec l’aide d’un chariot élévateur. C’était un gros boulot, je me suis un peu épuisé physiquement. Je l’ai imaginé, j’avais 30 ans et une certaine pêche. J’ai pu le réaliser, j’en avais 40 et je l’ai fini, j’avais presque 50 ans. Il y avait 62 tonnes de bois pour faire le bateau. Maintenant je ne pourrais plus faire un truc comme ça ».
Une fois la construction achevée, Nicolas Hilly a repris son activité de menuiserie. À présent, en dehors des moments de navigation, celui-ci se transforme naturellement en atelier. « J’aime mon métier. Je suis amoureux de la matière, du bois. J’ai fait venir le bois de Métropole pour le bateau, du chêne et du mélèze, mais tout ce qui concerne l’aménagement, ce sont mes petits plaisirs. Les poulies sont en palissandre avec les réas en ébène, le bois du pont est un bois malgache. Il y a plein d’essences de bois malgaches différents ». À l’intérieur du bateau, l’aménagement est tout en bois, même les éviers.
Avec ses 40 ans d’expérience et la vitrine que constitue le Mzouazia, l’artisan n’a pas de mal à obtenir la confiance de ses clients. « Même si je suis ébéniste au départ, je fais de la charpente, du mobilier, du meuble. En ce moment je fais beaucoup de travaux d’aménagement pour les bateaux du mouillage : des tables, des barres, des échelles, des caillebotis… ». En plus de ces objets originaux, réalisés sur-mesure, Nicolas Hilly a réalisé un faré et un abri à scooters pour le Parc Marin, des claustras pour fermer une salle d’étude du lycée de Petite Terre, les sièges du restaurant Le Faré, l’ossature en bois de deux maisons au Mont Combani, et un bar en forme de boutre pour l’hôtel La Baie des tortues, à Boueni.
« Les gens viennent me voir pour des projets un peu particuliers. Une fois le devis accepté, je garde ma liberté de réalisation. Je ne peux pas faire un truc imposé par le client. Et ça marche très bien en fait. Les clients me laissent la possibilité de m’exprimer comme je veux et au final, ils sont contents. Par exemple j’aime bien le bois brut, jouer avec le caractère du bois. De cette manière, je travaille beaucoup mieux que si je me laissais imposer un ouvrage et que je le faisais à contrecoeur. Laisser s’exprimer l’artisan, ça change tout ».
Marine Wolf