Dernière ligne droite pour l’abattoir à volailles hallal de Ouangani. Les travaux sont bientôt terminés et sa mise en service est prévue pour début juillet.
Guillaume Rubin, directeur de la société AVM (abattoir de volailles de Mayotte) revient sur la génèse du projet.
« Depuis 1986 il y a eu beaucoup de tentatives de structuration de la filière avicole à Mayotte. On a essayé d’analyser ça et en 2016 on s’est tous mis ensemble autour de la table pour réfléchir à un schéma de structuration, ça a donné lieu en 2017 à la création d’AVM. On a d’abord mis en place un pilote, en intégrant des éleveurs et des industriels et en créant la marque Mon Pouleti ».
Face au succès commercial de la marque « On a vite saturé les capacités de production de Coconi » (les quelque 100 000 poulets actuellement abattus chaque année le sont au lycée agricole NDLR).
S’imposait alors l’idée d’une usine de production, qui répondrait à la demande en termes d’abattage mais qui permettrait aussi d’aller plus loin, en permettant de faire de la découpe et du conditionnement, voire de la vente. Soumis au président du Conseil Départemental Ibrahim Soibahadine Ramadani et au maire de Ouangani, le projet trouvait son site d’implantation non loin de la maternité de Kahani. De quoi renforcer le principe d’un centre-ouest « grenier de Mayotte » mais aussi pour le premier magistrat de la commune, attirer les investisseurs dans une municipalité riche d’une denrée rare : le foncier.
Installée sur une surface de 8000m², l’usine de 2200m² a été conçue de manière modulable. Des éléments placés en containers doivent permettre d’augmenter la production à terme, pour passer de 120 tonnes à l’année actuellement, à 1500 tonnes d’ici 6 à 7 ans. Le tout, sans perdre en qualité, et en proposant de nouveaux produits, comme du canard ou même du chapon en période de fêtes.
« L’objectif est de proposer aux consommateurs mahorais des volailles fraîches et de qualité », explique Elhad-Dine Harouna, président d’AVM. « On entend souvent que le Mahorais veut du poulet moins cher, on se rend compte qu’il veut surtout de la qualité. Le deuxième objectif c’est de permettre aux éleveurs de vivre dignement de leur travail, il faut qu’on vive de notre métier. Il faut qu’on arrive à se professionnaliser, c’est ce qui nous réunit tous ici. Le troisième objectif est d’être un acteur du développement de notre territoire. On n’est pas en train de créer l’agriculture à Mayotte (…) ce qu’on est en train de faire, c’est retrouver notre identité agricole. La deuxième phase sera de développer les exploitations agricoles pour qu’elles soient dignes de cet investissement. »
Jusqu’à 4x plus de producteurs associés
Si la société AVM a été créée avec 9 éleveurs à l’origine, la coopérative aviaire compte bien prendre de la hauteur. Ils sont actuellement 12 et devraient être pas moins de 20 membres d’ici la fin de l’année, avec un objectif affiché de 40 à moyen terme. « On aurait pu avoir 2 ou 3 gros éleveurs, mais on préfère avoir des élevages familiaux, mais performants. On n’est pas sur une logique de gros élevages qui alimenteraient AVM » complète le directeur Guillaume Rubin.
Avec jusqu’à 12 salariés in situ et 40 producteurs partenaires, l’abattoir devrait vite répondre à un de ses objectifs, qui est la « création d’emplois ». De quoi satisfaire les financeurs, notamment le Département et l’Union Européenne, qui ensemble ont mis 8 millions d’euros sur la table pour réaliser ce qui est selon ses créateurs le plus gros projet agricole de tout l’outre-mer en termes de financements.
Quant au consommateur, il devrait lui aussi y trouver son compte. D’abord parce que le prix des volailles locales « Mon Pouleti » devraient baisser à mesure que la production augmentera, jusqu’à concurrencer les poulets importés de métropole « type Label Rouge », indique le président d’AVM. Mais aussi parce que l’usine se verra équipée d’un magasin proposant bien sûr de la volaille mais aussi des fruits et légumes, des produits secs comme la vanille, ainsi que des produits laitiers grâce à un partenariat avec la Laiterie de Mayotte qui conduira aussi à partager les camions dans un souci d’efficience.
Et s’il peut sembler paradoxal qu’une usine de mise à mort puisse participer à la vie du territoire, cet abattoir est un bel exemple de cette « co-construction », présentée depuis quelques années comme la clé du développement de l’île, et la preuve que ce développement ne peut passer que par la mise en commun des énergies.
Y.D.