« Le gouvernement tarde à prendre les dispositions nécessaires pour agir sur la 1ère des responsabilités de l’Etat, c’est à dire la sécurité ». Dans un courrier au 1er ministre le 23 avril dernier, le député Kamardine se faisait l’écho de l’impatience de la population après les évènements graduels dans la violence qui sévissent depuis le début de l’année à l’issue dramatique. Les premières graves violences envers les personnes ont commencé il y a environ 10 ans et n’ont fait que s’amplifier depuis.
Parallèlement à la concertation du projet de loi Mayotte, une mission d’information interministérielle sur la jeunesse pour lutter contre la délinquance et la criminalité juvénile a été annoncée le 21 avril. Issue de 6 ministères, la Justice, l’Administration, les Finances, l’Education Nationale, les Affaires sociales et les Affaires étrangères, elle doit se pencher sur trois questions, avait rapporté le préfet Colombet : « Les moyens de l’Etat sont-ils adaptés à la situation de Mayotte ?, avec une réflexion sur le Centre Educatif Fermé, Comment améliorer la scolarisation et le périscolaire ?, Quid de la reconduite des mineurs isolés vers leurs familles naturelles aux Comores ? » Un premier rapport était annoncé pour juillet, et un document définitif en novembre.
Pour Mansour Kamardine, c’est une mission de trop, « le temps relève plus de l’action que de l’information (…) je vous demande de transformer la mission d’information en mission de préfiguration et de planification des actions urgentes à conduire », écrit-il à Jean Castex. Le député et candidat aux départementales met en passant l’accent sur le coût d’un Centre Educatif Fermé (CEF), « une dizaine de jeunes pour un coût annuel supérieur à 2 millions d’euros par an ! », argument également mis en avant par le ministère de la Justice pour ne pas l’implanter à Mayotte, et repris par le premier ministre dans sa réponse.
Trouver le cadre légal d’un retour auprès des familles à Anjouan
Mansour Kamardine propose 5 axes d’action autour de la décongestion de la prise en charge des mineurs isolés du territoire et d’une action éducative : « Accélérer le retour dans leur pays d’origine des mineurs étrangers non accompagnés, Mettre en œuvre, en urgence, le point 2 du 2 du II de l’accord cadre franco-comorien de juillet 2019, qui prévoit l’institution d’une commission franco-comorienne traitant du retour des jeunes comoriens auprès de leurs familles, Appliquer à Mayotte la « circulaire Taubira » permettant de répartir, sur le territoire métropolitain, une partie substantielle des milliers de mineurs étrangers non accompagnés présents à Mayotte, Etudier la création à Mayotte, d’une structure innovante sous la forme d’un centre de socialisation avec un encadrement et des modes d’activités se rapprochant de celle d’un service militaire, notamment de la période d’intégration dites des « classes », à destination des jeunes français de Mayotte volontaires, en situation de désocialisation et/ou prenant le chemin de la délinquance, Renforcer l’état de droit à Mayotte, en étayant les services judiciaires, en particulier, ceux dédiés à la Justice des mineurs. » Des axes de travail à intégrer à l’ordre du jour de la mission, demande-t-il.
Loin d’être globale, la réponse de Jean Castex pointe chaque proposition. Et défend avant tout l’idée d’une mission, « la connaissance que nous avons de ces jeunes, de leurs conditions de vie notamment, sans doute déterminante dans les passages aux actes de délinquance, reste très imparfaite et parcellaire ». Il la juge « absolument nécessaire ».
Une surveillance aérienne à pérenniser
On notera une démarche davantage sociétale qu’auparavant, à l’image des Assises de la sécurité ou de l’Observatoire de la violence, avec des clefs de compréhension au bout. Le premier ministre confirme que la mission doit rendre sa copie « avant la fin de l’année », autour de deux axes : « les réponses sociales et éducatives utiles et adaptées au territoire et aux manques, et les réponses judiciaires aménagées aux besoins du territoire ».
Sur le rapprochement familial des jeunes mineurs auprès de leur famille aux Comores, il faudra trouver un cadre légal, et Jean Castex rappelle que la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 interdit de renvoyer hors d’un territoire un enfant sans parents, et prône « l’ouverture de réflexions et de contacts avec les autorités comoriennes », sur ce sujet dont on sait qu’on ne peut guère attendre grand chose de nos voisins. En dehors d’un bras de fer.
En matière d’immigration, le 1er ministre ne fait pas de lien explicite avec la délinquance, mais évoque l’opération Shikandra et ses 27.000 reconduites en 2019, le renouvellement de deux intercepteurs cette année, et « l’étude de la pérennisation de la surveillance aérienne », mise en place pour surveiller les entrées dans le cadre de la fermeture sanitaire des frontières.
Quant à un service militaire d’un autre genre, l’action du RSMA pourrait être renforcée dans le cadre d’une « évolution de format », étudiée par la ministre des armées et le ministre des outre-mer. « Des propositions me seront soumises rapidement », conclut le chef de l’exécutif.
Réponse PM à MK violence insécurité Mayotte 12 mai 2021
Anne Perzo-Lafond