Condamnés conjointement par les ministres de l’Intérieur et de l’outre-mer, rarement des faits de caillassages ont autant fait réagir à Paris que les violences de mai 2017 à Pamandzi. Il faut dire que cette fois, la principale victime avait du galon.
Le soir du 13 mai, la « villa Nizar » abritant des gendarmes mobiles était prise pour cible par une bande de jeunes décidés à en découdre. Rapidement, un important dispositif de gendarmerie était déployé, pour interpeller les jeunes mais surtout pour sécuriser Petite Terre. Le dispositif était alors coordonné par le numéro 2 de la gendarmerie de Mayotte, le Lieutenant-Colonel Olivier Pech. Alors que ce dernier patrouillait en voiture, assis côté passager, il était la cible d’un « bloc de béton » qui l’atteignait à l’arcade. Inconscient, défiguré, son pronostic vital avait été un temps engagé. Il avait finalement été sauvé de justesse, avant de subir de lourdes interventions de chirurgie faciale. 4 ans après les faits, sa vision n’est revenue qu’à 50%. Au regard de la gravité des blessures, l’enquête a d’abord été ouverte du chef de tentative de meurtre. Celle-ci n’a finalement pas été retenue contre les 8 jeunes interpellés suite à une série de caillassages commis en Petite Terre en 2017. La juge d’instruction a préféré retenir le chef de violences en réunion, avec guet-apens, sur personne dépositaire de l’autorité publique et avec ITT supérieure à 8 jours, un crime passible de 15 ans de réclusion.
Le plus jeune suspect, âgé de 13 ans lors des faits, a été renvoyé devant le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle. Les 7 autres sont actuellement jugés devant la cour d’assises des mineurs, même si le plus âgé avait 22 ans lors des faits. Le procès se déroule donc à huis-clos.
Le flash, le sang, et le KO
Sur le banc des parties civiles, l’officier, qui sera bientôt promu colonel, est accompagné de sa famille qui se constitue également partie civile. Tous estiment en effet avoir souffert du long processus de soin du militaire. Ce dernier décrit la situation comme un basculement « du paradis à l’enfer en une fraction de seconde ». Il relate la soirée qui a changé sa vie.
« Ce soir-là j’assurais le commandement du COMGEND (commandement de la gendarmerie NDLR) par intérim. J’étais à la maison en train de faire des hamburgers, mon fils avait invité des copains pour son pot de départ. Là on m’appelle pour me dire que la villa Nizar avait été caillassée et des véhicules de gendarmerie dégradés. On a monté un dispositif de contrôle de zone. Le but c’est de projeter des patrouilles sur un secteur pour faire cesser les troubles et interpeller les individus. C’est une opération qu’on a l’habitude de faire. C’est dans ce cadre là qu’on monte l’opération et qu’on tourne sur Petite Terre pour calmer la situation. Je suis alors avec l’adjoint de la brigade de Pamandzi, on se déplace dans les lieux de rassemblement des jeunes sans trouver personne, la situation était calme. Il nous restait un lieu à voir, et c’est là qu’on est tombés dans l’embuscade. Pour moi il y a eu un plan échafaudé pour nous y attirer, les auditions permettront de le confirmer ou de l’infirmer. »
Préméditée ou pas, l’embuscade prend l’officier de surprise. « Comme c’était calmé, j’avais enlevé mon casque, on était toujours en circulation. D’un coup je ressens un flash, une immense douleur. Je pense d’abord que j’ai un problème neurologique, puis je sens du sang couler sur mon visage et je m’écroule sur le conducteur du véhicule. Après c’est le KO, je ne me souviens de rien. Je me souviens juste d’avoir lutté intérieurement pour garder une activité cérébrale, je me disais Olivier ne t’endors pas ». « Je dois la vie au conducteur et à son excellente réaction, il a foncé vers le dispensaire de Dzaoudzi ».
Ayant perdu connaissance, le commandant ne se réveillera que dans l’avion en atterrissant à La Réunion.
« Là je commence à réaliser la situation dans laquelle je me trouve, et que débute le combat pour vivre. »
A l’aube du procès, le militaire évoque sa « fierté » d’avoir été « la personne la plus grièvement blessée ce jour là » car « ça veut dire que j’ai pu préserver mes gendarmes de ces blessures là ».
Des blessures qui lui vaudront de lourdes interventions : 74 agrafes « la chirurgienne m’a scalpé, on m’a reconstruit tout l’orbite avec des plaques de l’oreille à la base du nez ». C’est l’hématome cérébral qui a engagé le pronostic vital. Ensuite pour remonter la pente, ça a été dur, c’est pour ça que je tenais à ce que ma famille soit reconnue aussi comme victime. Pour lui-même, le gendarme préfère se dire « blessé en intervention ».
Le verdict est attendu lundi prochain.
Y.D.