Mohamed Bacar, confronté depuis trop longtemps aux affrontements entre jeunes de Combani et de Miréréni, a voulu passer comme message que « ça suffit ! ». Ce vendredi matin, il avait convié la presse à la Maison France Service de Combani pour dévoiler ce que devrait être sa politique pour combattre ce phénomène de violences entre bandes rivales.
Cette opération de communication part d’un constat : l’existence de « règlements de comptes en bandes organisées avec des armes blanches (…) mettant en danger la population ». Alors « pourquoi les jeunes se battent-ils ? » s’est interrogée la municipalité lors d’une réunion en décembre dernier. Selon le compte rendu de réunion, la réponse brille de simplicité : du fric et des filles. « Ils ont envie de vivre convenablement, c’est à dire avoir des moyens financiers (…), des femmes, être entourés par des femmes ». Une lecture qui pourrait appeler à plus d’éducation populaire et de lien social, mais ce n’est pas le choix qui a été pris par le conseil municipal. Le plan présenté vendredi tient en un mot : interdire, y compris ce qui l’est déjà.
D’abord en restreignant la détention de chiens par des mineurs, via une « convention avec le refuge Gueules d’Amour » informe le maire. Ensuite en interdisant les attroupements et la consommation d’alcool sur la voie publique. En troisième point, l’édile offre d’interdire le port d’armes ou de répliques d’armes. Ce que le code pénal prévoit déjà. Face à des clips de rap haineux, au lieu de s’appuyer sur la loi interdisant les appels à la violence, le maire veut… « interdire la diffusion de musique par haut-parleur et tout moyen connecté sur les espaces publics ». Selon le maire, écouter de la musique sur son téléphone « génère des tensions ».
Autre proposition, interdire le stockage et la vente de produits pétroliers à domicile pour éviter les cocktails molotovs, ce qui est déjà réglementé, ainsi que les Murenge, ces combats de boxe traditionnels qui peuvent finir en échauffourées. Ce dernier point serait une « mesure temporaire ».
Le premier magistrat réclame aussi les moyens de raser les bidonvilles, pour reloger les occupants en situation régulière et expulser les autres. « Plusieurs poches d’habitat indigne feront prochainement l’objet de destructions » assure la mairie.
Outre la sécurité, le maire veut s’attaquer aux incivilités, et là encore, la méthode interroge.
Il est question d’interdire la vente informelle de marchandises sur la voie publique, et la « mécanique sauvage sur la voie publique ». Or ces deux points participent déjà de la loi sur le travail dissimulé. La divagation de bétail sur la voie publique et l’élevage à domicile et le long des cours d’eaux sont aussi visés, ainsi que plusieurs mesures visant à assurer « la propreté urbaine ». Le maire assure sur ce point avoir déjà procédé à l’enlèvement de « tous les véhicules hors d’usage » de la commune.
En revanche, si certaines mesures sont déjà de l’ordre du droit commun, et d’autres étaient déjà des prérogatives de la commune, les documents fournis s’affranchissent parfois du droit français. Ainsi dans un document adressé au procureur le 15 décembre, le maire évoque une liste de noms de jeunes « délinquants » contre lesquels il dit « porter plainte ». Mais il réclame aussi que ces « jeunes » soient incarcérés « définitivement et ce, immédiatement », ce qui non seulement n’est pas de la prérogative du parquet, mais contrevient à tous les principes fondateurs du droit français, de la présomption d’innocence à la protection des mineurs en passant par l’objectif de réinsertion.
Une demande irréalisable que le maire réitérait ce même jour dans un courrier au préfet Jean-François Colombet, au motif paradoxal que « seule la Loi est maître dans la République ».
Après deux heures de conférence de presse, on aurait pu croire que toute la politique sécuritaire de la commune reposait que sur de l’effet d’annonce, s’il n’y avait eu l’intervention de Me Mohamed Saidal, avocat de la commune, qui précisait que les points à « interdire » étaient surtout des choses « déjà interdites, mais à mettre en œuvre ». Et ce dernier de s’engager à produire tous les référés possibles pour concrétiser la lutte contre l’habitat illégal à Tsingoni.
Plus concrètement, le mairie a émis une demande de subvention au titre du FIPD pour installer de la vidéo surveillance, un accompagnement pour sensibiliser la population au dépôt de plainte.
Au final, aucune proposition visant à apporter à ces jeunes la réponse au premier constat qui était la recherche de moyens de subsistance n’apparaît dans les documents fournis, ce que le maire assume, préférant « commencer par la répression ». Là où les tanks et les muscles de la gendarmerie mobile n’ont jusqu’à présent pas réussi à mettre fin au cycle de la violence, le plan communal promet bien du travail aux 15 agents qui composent sa police municipale.
Y.D.