L’affaire avait été renvoyée en septembre dernier, car la justice estimait utile que les quatre victimes soient représentées. Avec des familles absentes ou en difficulté, c’est l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, un service départemental, qui a été chargé d’assurer cette mission. Fi, six mois plus tard, l’administrateur ne s’est pas rendu au procès. De même que les quatre jeunes filles, dont le psychologue décrit le sentiment de honte, de culpabilité, la « souffrance psychique » et le besoin de suivi après un « vécu traumatique ».
Le principal intéressé Ali, était lui bien là. Un grand gaillard large d’épaules, dont la carrure impressionnante tranche avec la voix timide et le ton peu assuré devant ses trois juges.
La justice lui reprochait des faits de recours à la prostitution de mineurs, avec quatre victimes âgées de 14 et 15 ans au moment des faits, en 2019. Les faits sont globalement simples : l’homme, qui travaille comme aide médico-psychologique dans un foyer de Mlezi Maore, est aussi gendarme réserviste. Si ces « rencontres » sont sans lien avec son activité professionnelle, il n’en jouit pas moins d’une certaine prestance, mais il dispose surtout d’un banga à Tsararano, où il amènerait ses conquêtes. Ce banga, pour les quatre plaignantes, c’était d’abord une chance de sortir de la rue. L’une avait été mise à la porte par son beau-père, une autre, battue par sa mère, avait fugué. La troisième peinait à se remettre d’un viol subi deux ans plus tôt. Bref, des jeunes filles particulièrement fragiles.
« Ce sont des filles en errance, qui ont été violées, abusées, et elles ont la chance de vous rencontrer et puis ça continue » déplore la présidente d’audience. Le prévenu lui, ne semble pas voir le mal. Comme en audition, il assure avoir voulu « aider » des jeunes femmes qui jure-t-il, se disaient majeures et « avaient envie » de lui. « C’est fou toutes ces jeunes filles qui ont envie de coucher avec vous » ironisait alors la présidente. Et cette dernière d’alterner les photo des adolescentes, dont l’une « même pas formée » n’avait « pas encore de seins ». Pas de doute pour les trois juges, l’homme, père d’une fille de 16 ans, pouvait se douter que celles qu’il hébergeait en échange de rapports sexuels n’en avaient clairement pas 19.
Des photos mais aussi des témoignages sans équivoque. Toutes décrivent un homme « grand, gros et dégueulasse » avec « un gros sexe ». Elles évoquent la douleur lors des rapports mais aussi « le dégoût » et « la culpabilité ». Des mots d’enfant aux antipodes d’une hypothétique « envie » qui les aurait motivées lorsque le quadragénaire les « prenait à tour de rôle » selon les termes de l’instruction.
Des rémunérations à hauteur de 50€ par rapport sont aussi décrites par les victimes.
« Evidemment qu’elles n’ont pas envie de lui, balaye la substitut du procureur. Elles le décrivent toutes comme grand, gros et dégueulasse. Il les héberge et elles se sentent redevables, elles le disent, ‘on était obligées sinon il nous mettait dehors’. «
« C’est lui l’adulte, c’est à lui de se poser des questions »
Placé face à ces témoignages, photos et contradictions, l’homme n’exprime aucun regret, sinon celui de n’avoir pas vérifié l’âge des adolescentes. Le psychiatre qui l’a entendu ne note lui non plus « aucun regret, pas d’empathie pour ses victimes ». Il ne constate pas davantage de « de pathologie psychiatrique, il possède le bagage intellectuel pour comprendre le sens d’une condamnation » et n’avait lors des faits « pas de trouble ayant altéré son discernement ».
Pour le parquet, pas de doute sur la responsabilité que l’homme aura tenté de faire porter à ses victimes. « C’est lui l’adulte, c’est à lui de se poser des questions. Et même avec des majeures ce serait interdit. Il se moque du monde. La réalité du dossier c’est qu’il a abusé de ces jeunes filles, de sa position d’autorité, et qu’elle n’avaient pas le choix. Je vous demande d’être sévère. Son argumentaire est détestable. Au vu de sa profession il avait une responsabilité encore plus importante, il est éducateur à Mlezi Maore, gendarme réserviste, c’est inacceptable. Il devrait avoir honte. Et ça, on ne l’a pas entendu à l’audience. »
Son avocat, Mansour Kamardine, aura bien tenté de le défendre en rappelant le précédent de l’affaire d’Outreau, où la parole des présumées victimes avait conduit à la condamnation d’innocents. En vain, les juges, face à un dossier fourni et un prévenu cynique, ont suivi les réquisition de la procureure : 3 ans de prison dont un ferme à effectuer à domicile avec un bracelet électronique, l’interdiction de travailler avec des mineurs pendant 10 ans et l’inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
Y.D.