Venant de la restauration en station de ski, avec ses produits importés et ses boissons industrielles, Philippe souhaitait créer un lieu radicalement différent. « Pour moi c’est impensable qu’aujourd’hui des restaurants puissent continuer à servir dans des barquettes en plastique, continuer à vendre des contenants qui polluent, des bouteilles, des pailles… » affirme-t-il.
Ainsi, au restaurant, tout est mis en œuvre pour avoir le moins d’impact possible. L’ensemble des déchets est trié, aucun plastique n’est servi aux clients, des pailles en inox sont utilisées. Comme alternative aux boissons industrielles, des boissons fermentées et aromatisées artisanalement, comme le kombucha, le kéfir ou encore de la bière fabriquée sur place.
Faire de la restauration de plage n’empêche pas de soigner la présentation des assiettes et le choix des produits
Concernant la cuisine, « tout ce qui rentre dans la composition de nos plats est réfléchi au maximum », explique Philippe. « On prend beaucoup de produits locaux. Le poisson, qui représente à peu près 80% des intrants de notre cuisine, provient de la pêche locale. Pour les fruits et légumes, on travaille avec des gens qui cultivent vers Coconi. Et on fait nous-mêmes notre pain pour obtenir la qualité qu’on recherche. »
Au 23, le chef Vincent Popoulos compose avec une contrainte : aucun plat chaud ne doit être servi, pour ne pas concurrencer le restaurant de l’Hotel Sakouli. « Il faut être inventif », admet Philippe. « Ce n’est pas forcément que du cru, mais il faut arriver à trouver la bonne sauce, revisiter des plats traditionnels pour les servir en salade. Par exemple la sauce arrabiata, une sauce italienne très forte en goût : Vincent en a fait une sauce froide pour agrémenter une salade de riz ».
« Vincent prend des influences dans la cuisine mahoraise, il utilise beaucoup de produits d’ici », continue Archimed, serveur en formation. « Le bilimbi par exemple, un légume amer qui sert à épicer les plats : il en met surtout dans les suggestions, car elles se basent plus sur les recettes mahoraises ».
« J’ai pris la recette du poulet à la mahoraise, je m’en sers pour la salade de poulpe : je mets des pommes de terre cuites façon mahoraise, avec du gingembre, de la moutarde, des oignons, des épices » décrit Vincent. Venu de Colombie, celui-ci a découvert à Mayotte de nouveaux ingrédients comme le jaque, qu’il a ajouté dans son tartare de thon.
Et l’échange est réciproque : si Vincent s’inspire de la culture mahoraise, l’équipe du 23 apprend aussi de son expérience et de celle de Philippe. « Je ne savais pas ce que c’était que le kombucha, le kéfir… » confie Archimed. « Le tartare, le ceviche…ce n’est pas commun chez nous. Ça fait beaucoup de découvertes ».
Un soin tout particulier est donné à la présentation des assiettes. « On n’est pas un restaurant gastronomique, le plat moyen tourne entre 15 et 20€ » note Philippe. « On est en restauration de plage, on sert des salades, des sandwichs, des plats comme du carpaccio…mais ça n’empêche pas qu’on puisse bien les présenter, mettre dedans des produits de qualité ».
« Au-delà de l’impact écologique, servir des conserves et dire “tiens bon appétit c’est fait maison” ça m’intéresse pas », affirme Boris, serveur. « Là, de voir que tout est réellement travaillé dès le matin, ça me plaît ».
Cette année, l’équipe est composée d’une dizaine d’employés et accueille plusieurs apprentis et étudiants en stage, dont Yasmina. « J’aime beaucoup être ici. Avant c’était difficile parce que j’étais très timide, je parlais pas avec les autres. Mais maintenant je m’habitue, j’apprends beaucoup de choses. J’apprends à parler aux gens ».
Enfin, l’objectif est aussi de sensibiliser, via le restaurant ou le centre de plongée Jolly Roger, également géré par Philippe. « On accueille des classes pour des journées découvertes de métiers, autant dans le centre de plongée qu’au niveau de la restauration. On veut faire connaître nos métiers et notre démarche aux plus jeunes ».
Marine Wolf