Partant d’un constat inéluctable sur un territoire à moitié peuplé de mineurs, « chaque jour au tribunal, un avocat intervient sur la défense des mineurs », l’avocate Fatima Ousseni met en avant l’illustre exemple de Paris, « avec son antenne des mineurs dotée d’avocats surformés à la juridiction des mineurs ».
Les autres barreaux de France sont dotés de ce groupe d’avocats spécialisés, c’est en cours en Martinique, et Mayotte verra au final 21 avocats sur les 30 que compte le barreau, dédiés à cette cause. « Un avocat référent sera désigné », et les jeunes concernés sont ceux qui sont passés trois fois devant le juge, « nous avons nos mineurs stars à la barre, qui reviennent souvent. Ayant affaire à un même avocat qui suit son dossier, il ne peut plus lui raconter n’importe quoi. Un dossier de personnalité est ainsi constitué, sur ses conditions de vie, notamment matériel. » Une contextualisation du vécu du mineur qui ne peut qu’apporter du plus.
Il ne s’agit évidemment pas que des mineurs isolés, « même si les avocats interviennent à 90% dans le cadre de l’Aide juridictionnelle, nous avons aussi des enfants de parents en difficulté, d’alcool notamment ».
Cela sous-entend une formation accentuée à la juridiction des mineurs, « le fait d’avoir créé cette structure va faciliter l’accès à la formation », assure Fatima Ousseni.
Des avocats insuffisamment présents
Une mise en place particulièrement saluée par Hugues Makengo Kibobo, directeur territorial de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), chargée des mineurs ayant déjà eu affaire à la justice. Il mettait en évidence l’évolution de la législation dans ce domaine, « avec l’entrée en vigueur du code de justice pénale des mineurs au 31 mars 2021 ». Il s’agit notamment de la réforme de l’ordonnance de 1945, souvent visée par la critique pour son décalage avec la réalité du XXIème siècle.
L’annonce de cette évolution vers une meilleure prise en charge des mineurs justiciables bar le barreau de Mayotte, se faisait en présence du Secrétaire général de la préfecture, du directeur de la PJJ Mayotte, du substitut du procureur chargé des mineurs, du conseil départemental, de la mairie de Mamoudzou, de l’ACFAV (Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes). Des acteurs qui ont besoin d’instaurer davantage de communication entre eux si l’on en croit les griefs formulés de part et d’autres.
D’autre part, le parquet faisait remonter qu’une des pistes d’amélioration pourrait porter par une meilleure représentation des avocats, « beaucoup de garde à vue des mineurs se déroulent sans leur présence ». Un constat qui a été débattu en conseil de l’ordre des avocats faisaient notamment remonter Me Ibrahim et Me Bazzanella, « c’est un problème. Nous ne sommes pas assez, et nous devons privilégier les déferrements aux gardes à vue. Nous réfléchissons à des solutions pour y remédier. »
Deux autres problématiques liées aux mineurs étaient débattues, la prostitution des mineurs, « un dispositif légal existe mais n’est pas appliqué à Mayotte », rapportait Me Ousseni. Pas pour longtemps, « un groupe spécialisé sur ce sujet sera mis en place dès la semaine prochaine », annonçait le sous-préfet Claude Vo-Dinh.
Pour éviter que le mineur n’amplifie un mauvais comportement en passant par la case prion, les peines demanderaient à être davantage effectuées en Travaux d’intérêt général (TIG), notait Me Bazzanella, « notamment pour curer les caniveaux ». Le tribunal avait justement appelé les collectivités à se mobiliser pour encadrer ces TIG, les possibilités ne sont pas du tout assez nombreuses sur le territoire.
Anne Perzo-Lafond