La lutte contre la délinquance grâce à l’insertion par l’activité économique

En partant du postulat que toute personne occupée n’est pas en errance, beaucoup d’opportunités s’offrent au territoire. La scolarisation pour les plus jeunes, le travail pour les plus âgés. Et pour les plus exclus du marché de l’emploi, il existe des dispositifs d’accompagnement très étroit d’insertion par l’activité économique.

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Aux différents degrés d'exclusion correspond une structure d'insertion

A Mayotte, 23.000 personnes sont au chômage, et 30.000 sont sans activité bien que non inscrits à Pôle emploi (le fameux ‘halo’). Plus de 50.000 personnes sont donc sans activité… c’est à dire autant que celles qui sont en emploi (Source INSEE, Enquête emploi 2019). Inquiétant, surtout quand l’INSEE dans une autre étude nous dit que « A Mayotte, en 2018, sur les 122.000 personnes de 15 ans ou plus sorties du système scolaire, seules 27 % détiennent un diplôme qualifiant (au moins un CAP ou BEP), contre 72% en métropole. »

Un état des lieux qui doit privilégier un travail acharné d’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi. C’est ce que font les structures d’Insertion par l’Activité Economique (IAE). Une matinale leur était consacrée, organisée par le Dispositif Local d’Accompagnement de la BGE, la Chambre Régionale de l’Economie sociale et solidaire (CRESS), notamment pour les mettre en relation avec le monde du travail. Beaucoup avait répondu présents, dans une MJC de Kawéni barricadée, les organisateurs ayant avec bonheur priorisé la climatisation.

Bon signe : point de soda au buffet d’accueil, mais des produits uniquement issus de la Régie de Territoire Maesha Espoir d’Acoua, jus d’ibiscus, gâteaux à base de farine de manioc, etc.

En porte-drapeau de l’Insertion par le travail à Mayotte, Lahadji Abdou qui a créé son association Tifaki Hazi il y a plus de 20 ans, « avant même que la législation ne traduise l’Insertion par l’Activité Economique à Mayotte en octobre 2015 », rapporte son directeur d’exploitation Elies Akrini. Avec un effet garanti, « chaque mois, 100 demandeurs d’emploi sont en activité professionnelle. » C’est peu de dire que les communes présentes ouvraient grandes leurs oreilles. Quinze structures sont conventionnées IAE à Mayotte.

Crédit d’impôts pour les particuliers employeurs

Tifaki Hazi a fêté l’année dernière ses 20 ans, rappelait Elies Akrini

La porte d’entrée pour les plus en galère, c’est l’Atelier Chantier d’Insertion (ACI). Il s’adresse aux personnes en situation d’illettrisme, « ils vont par exemple travailler sur le chantier d’un espace vert à entretenir, ou sur la collecte ou la valorisation des déchets… Ils sont très très accompagnés, et doivent apprendre en premier lieu la ponctualité, l’assiduité, le respect du chef, du travail en équipe », expliquaient les représentantes de Mlézi Maore et du Centre Communal d’Action Sociale de Chirongui. Il s’agit de 11% de leur public. « Si leur situation administrative n’est pas à jour, nous les aidons à s’inscrire ». Un dispositif qui s’adresse aux moins de 26 ans, bénéficiant du RSA ou du chômage, ou en situation de handicap.

Ces ateliers d’insertion sont accompagnés à hauteur de 30%, « nous devons donc dégager des recettes de nos activités, ou bénéficier de financements du conseil départemental ou de fonds européens. »

Les personnes sont alors en contrat à durée déterminée d’insertion, pour une durée de 4 mois qui peut aller jusqu’à 24 mois, « on renouvelle tant que ça ne va pas. Sinon ensuite, ils passent à un autre dispositif ».

L’autre dispositif, c’est l’Association Intermédiaire (AI). Elle s’adresse également à ceux qui sont très éloignés de l’emploi, mais qui peuvent être mis à disposition de toutes structures et de particuliers, « tout en étant encadrés ». Ces derniers peuvent bénéficier de crédits d’impôt de 50%, « une sorte de récompense pour donner sa chance à un jeune », commente Elies Akrini, Tifaki Hazi . Voir ci-dessous la liste des structures à contacter*.

PLAC OI employeur modèle en insertion

Public ou privé peuvent faire appel à un travailleur en insertion

En fin de parcours d’insertion, on trouve les entreprises d’insertion et de Travail temporaire d’insertion. « Elles s’adressent aux personnes non qualifiées, ou qui n’ont pas d’expérience professionnelles, ou qui ont été victimes de liquidation judiciaire », explique la représentante de la société d’interim Eurêka.

Des dispositifs avancent entre 50% et 60% de sorties positives, « c’est à dire que ces personnes vont ensuite vers des formations qualifiantes ou créent leur entreprise. »

Un représentant de la mairie de Koungou s’interrogeait sur la prise en charge du public « invisible », ceux qui viennent grossir le « halo » autour du chômage, et qui n’ont le plus souvent pas de situation administrative permettant une prise en charge. « Nous travaillons avec le Service de Probation et d’Insertion ou bien avec le centre de réinsertion de Mlézi ».

L’entreprise du bâtiment et de menuiserie métallique PLAC OI voit dans le travail en insertion une flexibilité et une capacité supplémentaire pour répondre à des marchés : « Je fais appel à Tifaki hazi qui répond rapidement à nos besoins, qui permet notamment de traiter des chantiers courts, type pendant les vacances scolaires, sans avoir d’administratif lourd à gérer. »

Trois associations intermédiaires se partagent le territoire, Mtsikano pour Sada et le sud, OUtsaha Maesha pour le nord et Tifaki Hazi pour Mamoudzou et Petite Terre.

Le concept de l’insertion par le travail correspond aussi aux besoins du moment, avec les clauses sociales et environnementales inscrites sur les marchés publics, « la responsabilité sociale des entreprises est devenue importante pour leur image, et s’il n’y a pas encore d’amende pour celles qui ne respecteraient pas les engagement environnementaux et sociaux, ça va arriver », rapportait en conclusion la BGE.

Anne Perzo-Lafond

* Structures d’insertion par l’activité économique