Comme ses confrères, et comme tous les 6 ans, c’était un Congrès à « l’heure du bilan », comme l’évoquait Saïd Omar Oili… Et à celle de « nouvelles ambitions ». C’est donc aussi à travers cette volonté de renouveler son mandat qu’il faut lire son intervention. (Lire Discours Said Omar Oili 102è Congrès AMF)
Son plus grand succès est pluriel, souligne-t-il à l’endroit de ses pairs. Puisque c’est « avec les élus de Mayotte » qu’il a mené son combat contre les exorbitantes valeurs locatives, « pour que les contribuables mahorais ne subissent plus les impôts locaux les plus élevés de France », et pour que l’octroi de mer bénéficie aux communes mahoraises, « comme c’est le cas ailleurs ». Trois leviers donc pour y arriver, « travail, obstination et union des forces », pour « soulever des montagnes ».
Et Bercy est visée ici, « une sacrée montagne à soulever », un succès grâce à l’appui de l’Assemblée des maires de France (AMF) rappelle-t-il, puisque son président François Baroin avait mouillé sa chemise pour apporter son soutien.
Reprenant ce cheval de bataille fiscal que nous avons détaillé ce lundi, l’élu en appelle de nouveau à l’AMF : « Sur notre territoire, les services fiscaux ne sont toujours pas parvenus à constituer des bases fiscales fiables et exhaustives. Nous craignons que la compensation de la suppression de la taxe d’habitation instaure à Mayotte une nouvelle injustice ». Un changement toutefois, « Bercy en a conscience et je salue les renforts d’inspecteurs fiscaux prévus pour 2020 », qui seront affectés aux 5 intercommunalités.
Les syndicats intercommunaux visés
Devant les autres maires, Saïd Omar Oili évoque le contrat de convergence de 1,6 milliard d’euros, « une excellente nouvelle (…) Enfin Mayotte peut se sentir comme un territoire à part entière dans la Nation. » Un satisfecit pour un gouvernement dont il est politiquement proche, mais qui ne se berce pas d’illusion sur sa consommation, « nous avons la responsabilité de mobiliser nos énergies ».
Un passage qui s’adresse avant tout à ses collègues mahorais et au préfet, puisque se pose comme jamais un problème de gouvernance à Mayotte. La perte de confiance vis à vis de l’Etat vient de la piètre gestion des fonds européens, rattrapée récemment, mais pour combien de temps ? Du côté de la gestion par les acteurs locaux, c’est pire, et les syndicats intercommunaux sont visés, dans des domaines où on n’a pas choisi les compétences : « Dans les domaines de l’eau et des déchets, nous n’avons pas su jusqu’à présent à travers nos syndicats, apporter à la population les prestations auxquelles elle a droit. » Un manque d’implication des maires, non dit, mais réel.
Fraternité contre obscurantisme
Alors que ce sont les collectivités territoriales qui ont les rênes en métropole, l’élu appelle l’Etat à aider les nôtres « dans leur maitrise d’ouvrage », et notamment « dans la recherche de compétences techniques et la formation de cadres mahorais ». Se faisant poète en cette période hivernale et pluvieuse en métropole, mais aride ici, l’élu espère ainsi « transformer le nuage de subventions et de fonds que nous avons au-dessus de nos têtes, en pluies qui viendront faire pousser nos projets (…) Nous n’attendons pas de l’Etat qu’il se montre complaisant devant nos insuffisances, en faisant cela, il ne nous aide pas. »
En matière de gouvernance, le mahorais Mikidache Houmadi, président de l’association Interco’ Outre-mer, évoquait plus tard lors du même congrès, que plus un problème d’ingénierie il fallait mettre l’accent sur le déficit de partenariat entre les différentes échelles de collectivités : communes, intercommunalités, Département.
Enfin, c’est le Républicain qui parlait en Omar Oili pour évoquer cette période où « la France semble douter d’elle-même, de ses valeurs, de ses principes. » C’est en tant que Mahorais et que musulman, que Saïd Omar Oili se dit « fier d’être français dans une île où la grande majorité de la population est de confession musulmane », et appelle à « un vrai sursaut » pour éradiquer les discours de haine, « la véritable menace contre la République, ce sont les obscurantistes, les intolérants, les ignorants. »
L’élu mahorais conclut en gardant une hauteur digne d’un élu national, « faisons vivre l’esprit de tolérance et de fraternité, respectons nos différences pour nous réunir sur l’essentiel. »
(A écouter sur la chaine Public Sénat)
Anne Perzo-Lafond