Un accident, un décès, et les deux conducteurs poursuivis. C’est un procès aussi long qu’atypique qui se déroulait ce mercredi matin au tribunal de Mamoudzou. A la barre, les deux hommes peinent à comprendre leur propre responsabilité. Et pourtant, ils les cumulent. Ce jour du 27 juin 2014, le premier est au volant de son camion, dans un embouteillage sur la rocade de Mamoudzou, au niveau du croisement de la rue du Commerce. Le second est en scooter, son épouse à l’arrière, et il dépasse la file de véhicules à l’arrêt. La responsabilité de ce dernier est limitée selon le procureur qui ne souhaite pas le voir condamné. Mais il dépassait à l’approche d’un terre-plein central, au niveau d’une ligne blanche interdisant le dépassement, et avec un passager, ce que ce type de véhicule ne permet pas. Mais comme il dit, « tout le monde le fait à Mayotte ».
L’autre « n’avait pas le droit d’être sur la route » tempête le représentant du ministère public Tanguy Courroye. Entrepreneur, il avait 11 jours plus tôt déclaré la cessation de son activité, et résilié l’assurance de son camion. Il était pourtant en route vers Doujani pour y livrer une cargaison de gravats à bord de son camion-benne. Une mission que malgré l’accident, il mènera à bien, laissant la victime sur la chaussée, ce qui lui a valu un temps d’être mis en examen pour délit de fuite.
Des circonstance encore floues malgré l’instruction
Quant à l’accident, 5 années de procédure n’auront pas permis de comprendre précisément ce qui l’a causé. Selon le scootériste, le camion a fait une embardée alors qu’il le doublait, comme pour l’en empêcher. « Je ne me souviens pas avoir donné un coup de volant » jure l’ex transporteur. Toujours est-il que le deux-roues tombe. Le conducteur chute à gauche, son épouse, à droite. Pile sous le camion. Les passants hurlent à ce dernier de s’arrêter, le scootériste tente d’extraire sa femme mais le conducteur du poids-lourd n’entend rien, accélère, et écrase la victime qui décède sur place. Y a-t-il eu embardée ou perte de contrôle ? Impossible à savoir. En tout cas le conducteur prend peur, avance la crainte de représailles, et après quelques minutes d’échanges avec le conducteur du scooter, remonte au volant du camion et redémarre, jurant qu’à ce moment là « elle n’était pas encore morte », comme pour atténuer le cynisme de la situation. Le procureur réclame à son encontre 2 ans de prison avec sursis et 1500€ d’amende délictuelle, pour homicide involontaire, travail dissimulé et défaut d’assurance. Une dispense de peine est demandée pour le père de famille, dont la perte de son épouse constitue pour le parquet « une peine en soi ». L’avocat des enfants réclame pour chacun d’eux 20 000 à 30 000€ d’indemnités. Non pour « remplacer leur maman » mais pour payer leurs études et assurer leur avenir à court terme.
Le jugement sera rendu le 11 décembre prochain.
Y.D.