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Port de Longoni : un outillage surdimensionné, sous-utilisé, surfacturé

Un document de la Cour administrative d’appel datant de 2017 vient de sortir du bois. « Un matériel en surcapacité par rapport à l’activité du port », c’est la conclusion implacable d’un rapport dont peu avaient entendu parler. Les faramineux portiques et grues au port de Longoni lui donnent le même look que des grands frères métropolitains… le trafic en moins. C’est donc l’usager qui paie.

Alors qu’au port on s’échange les calculettes et les modèles pour trouver le tarif idéal de location des grues et des portiques RTG, et que l’autorité de la concurrence perquisitionne MCG dans un contexte de « suspicion de mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles », c’est à la surprise, quasi générale qu’a été exhumé lors du dernier comité technique portuaire du mardi 5 novembre, un document fixant le tarif idéal des grues et portiques exploités par Mayotte Channel Gateway. Et pas n’importe quel document, puisqu’il émane de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dont l’expert Denis Moranne, a épluché en mai 2017, factures et coût de revient des 3 grues et 4 portiques RTG, acquis en 2013 par Ida Nel, dans le cadre de la Délégation de Service Public (DSP) du port de Longoni. Un document n’a pas été rendu public alors qu’il aurait permis d’éclairer le débat.

Le rapport de cet expert va prouver ce que nous avons toujours dénoncé : grues et portiques ont été achetés sans en référer au préalable au conseil départemental, et sont surdimensionnés, donc sous-productifs, provoquant une surcharge de coût d’exploitation. Les tarifs prohibitifs que MCG avait conséquemment appliqués ont été annulés le mois dernier par la même Cour administrative d’appel.

« Il nous est apparu très vite que le conseil départemental ne disposait pas de l’ensemble des pièces aux quelles il aurait pu prétendre en vertu de la convention de délégation de service public en vigueur », pointe d’entrée le rapport, avant de détailler, « le plan d’investissement n’a pas reçu l’agrément préalable du conseil départemental ».

Les 3 grues n’appartiennent pas à MCG

Les containers stockés sur le quai n°2

Première particularité, les 3 grues Liebherr LHM 420 n’appartiennent pas à MCG, puisque deux ont été achetées en crédit-bail, « et sont donc la propriété de l’organisme de financement », et la 3ème financée en location longue durée, reste donc la propriété du loueur. Les 4 portiques eux sont achetés de façon plus classique, 3 grâce à un prêt AFD, et le 4ème grâce à un crédit vendeur. En rajoutant à l’achat, les taxes d’octroi de mer du conseil départemental, notées comme exagérées par rapport aux taux réunionnais, ainsi que les coût d’installation de cet outillage, Denis Moranne parvient à un prix d’achat de 12,7 millions d’euros pour les 3 grues, et de 7,1 millions d’euros pour les 4 portiques RTG. Soit quasiment 20 millions au total.

La présidente de MCG a bénéficié de crédit d’impôt de 4 millions d’euros, grâce à la défiscalisation sur 2 grues et 4 portiques, en activant les mesures de la loi Girardin Industriel, mais aussi un agrément de Bercy, et le dispositif de la « loi Macron ». Le rapport évoque « l’environnement fiscal favorable de cette opération (…) Le conseil départemental n’en a pas conscience. »

Une fois acheté, il va falloir évaluer la période d’amortissement de l’outillage. Plus elle est courte, plus les charges sont élevées, et plus MCG devra monter les tarifs pour s’y retrouver. Rappelons que la délégataire n’est pas propriétaire des grues, elle ne peut donc les amortir. Par contre elles se retrouveront dans le patrimoine de la DSP à l’issue des 7 ans de crédit- bail, et auront une valeur nette comptable de zéro euro. En ne les voyant pas apparaître à l’inventaire des biens de retour à la fin de la DSP, certains ont d’ailleurs craint qu’elles puissent être revendues à des sociétés privées du groupe pour une bouchée de pain, alors qu’elles appartiennent à la DSP.

Les portiques et les grues à moitié exploités

Déchargement d’un navire CMA CGM à Longoni

Les portiques par contre sont amortis par MCG. L’expert ne souhaite pas le faire sur une durée supérieure aux 15 ans de la DSP, sinon le conseil départemental devrait racheter la valeur restante avant d’émettre une nouvelle DSP. Mais en le faisant sur 15 ans, les charges fixes grimpent, en raison précisément d’un surdimensionnement des outils. MCG a en effet indiqué à l’expert effectuer 63.000 mouvements dans l’année. Etant donné que le coût d’exploitation est de 1 million d’euros pour les 3 grues et 370.000 euros pour les RTG, le rapport donne une exploitation des grues à 49% et à 36% pour les RTG. « Cela traduit une surcapacité des matériels par rapport à l’activité du port ».

Avec ce modèle qui semble déjà avoir du plomb dans l’aile à ce stade de l’analyse, quelle tarification de location appliquer aux utilisateurs ? Sachant que le tarif ne doit pas prendre les usagers du port à la gorge, le modèle économique de la DSP doit être équilibré, il doit permettre d’équilibrer les frais pour MCG et proposer des tarifs attractifs dans la zone.

Ainsi, Denis Moranne propose un taux de marge de 10% pour MCG, avec un tarif de 348 euros par heure pour les grues et de 212 euros par heure pour les portiques. MCG avait proposé une tarification bien supérieure, entre 3 à 4 fois ce qui est préconisé dans le rapport. Difficile d’ailleurs de trouver un tarif « officiel », après le multiples propositions et les annulations par la cour administrative. Il oscille entre 1.000 euros et 1.500 euros par heure. (Lire Tarif CD outillage 2016 DOC130919-, annulés par la CAA)

Des RTG et grues sous-exploités

Si les tarifs Moranne sont retenus, MCG risque de se retrouver en situation « inquiétante » de trésorerie, comme le souligne le rapport, mais dans laquelle s’est mise toute seule la présidente par « l’acquisition de grues et portiques selon des modalités qu’elle a elle-même définies, matériel dont le financement et l’amortissement coutent très cher dans un contexte de surcapacité ».

Et pas d’accroissement de trafic en vue qui pourrait éponger la perte pour la délégataire. L’étude apparaît à son rédacteur « peu contestable par MCG », qui a fourni les chiffres et paramètres.

La conciliation entre les parties entrant également dans sa mission, il rappelle que les clauses de la DSP permettent de « garantir la transparence sous réserve que le délégataire s’astreigne à fournir les renseignements demandés, et que le déléguant analyse les données reçues. »

Lire Rapport Port Longoni Denis Moranne

Anne Perzo-Lafond

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