Bien que la perturbation du scrutin qui n’a vu que 3 électeurs sur 10 se rendre aux urnes pouvait inciter à toutes les configurations, c’est celle des législatives de juin 2017 qui se reproduit. En plus exacerbée, puisque qu’avec moins de votants, les deux candidats ratissent mieux : prés de 1.500 voix supplémentaires pour la députée sortante (3.875), et plus de 1.000 pour son challenger (3.493).
Après l’annulation de l’élection par le Conseil Constitutionnel, il s’agissait donc bien de refaire le match pour les électeurs, mais aussi, on peut penser que ce sont les partisans de ces deux candidats qui se sont surtout mobilisés, et que les perturbations ou la demande de boycott par l’intersyndicale ont eu raison des autres.
Une période de campagne hors norme pour les candidats, puisqu’au lieu d’assister au défilé de leurs visages et arguments sur les ondes, ce fut le silence total, y compris dans les manifestations massives où leur présence aurait aussitôt été dénoncée comme une récupération. Quasiment bâillonnés les candidats. Ce fut donc le silence pour gagner en crédibilité… peu habituel !
L’écart s’est creusé
Ramlati Ali ne cachait pas sa satisfaction à l’issue de cette journée électorale, « je suis agréablement surprise. Malgré les manifestations, les décisions de boycott, les barrages et les intempéries, les gens se sont déplacés », nous confiait-elle. Elle évoque d’ailleurs les difficultés rencontrées pour faire campagne, « on connaît l’importance des meetings à Mayotte, or, s’il n’y a pas eu de problème en Petite Terre, je n’ai pu en tenir qu’un en Grande Terre, à Mtsamboro », où elle a été battue, « mais c’est le fief d’Elad Chakrina. »
Alors qu’en juin les deux candidats en tête étaient quasiment ex-aequo, 16,82% pour Elad Chakrina, 16,81% pour Ramlati Ali, l’ex députée a pris ses distances de 3,5 points cette fois. Étonnant quand on sait que le candidat LR a reçu le soutien du président de son parti Laurent Wauquiez, ou celui du Nema de Saïd Omar Oili. Ne parlons pas de celui de la présidente du FN Marine Le Pen, dont on ne sait dans quel sens il aura influencé.
Et surtout, la mise en examen de Ramlati Ali, qui lui aura imposé de lâcher l’étiquette LREM momentanément, « en concertation avec mon parti », n’a pas ralenti les ardeurs des électeurs, au contraire : « Les Mahorais n’aiment pas qu’on leur demande de remettre en question leurs choix et de retourner aux urnes », explique-t-elle.
Réservoirs de vote
Elle annonce d’ailleurs vouloir se défendre : « Je dépose un recours en annulation de ma mise en examen auprès du tribunal de La Réunion », à la Chambre de l’instruction plus exactement. Un argument qu’elle va pouvoir utiliser dans sa campagne du second tour. Une mise en examen une semaine avant le début de la campagne qui ne l’aura en tout cas pas tué politiquement, comme le prédisait pourtant certains.
En terme de report de voix, elle compte d’abord sur un réservoir qui ne se serait pas exprimé : « Jusqu’à 15h, peu de monde se rendait aux urnes, on avait moins de 10% à 15h à Bandraboua. Ils se sont aperçus que les adhérents du parti LR se déplaçaient, et ont eu un sursaut vers les urnes. Mais tous n’ont pas pu s’y rendre. » Mais aussi sur les tractations habituelles, « nous sommes en discussion avec les MDM (centre, ndlr) de Daniel Zaïdani, et le groupe qui a soutenu Bacar Ali Boto. » Deux tendances proches de celle de Ramlati Ali, alors que le LR Elad Chakrina aura moins de marges sur ces reports. Nous avons tenté de le contacter, mais sans succès.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com