C’est une célébration atypique qui se tenait ce vendredi dans l’hémicycle Bamana du Conseil Départemental. Entre cours magistral d’histoire et d’économie et échanges avec le public.
« Cela fait plusieurs années que nous commémorons la mort de Zakia Madi sous forme d’art, rappelle Alain Kamal Martial, à l’initiative de l’événement. On a pensé à cette formule cette année pour qu’une réflexion soit menée sur Mayotte, s’interroger sur le combat de ces femmes, les valeurs qu’elles défendaient, et faire un état des lieux. Où en est Mayotte aujourd’hui, et quelles propositions pour une société qui équilibre les rapports et les besoins humains ? »
La conférence, riche et dense, a d’abord levé le voile sur l’histoire lointaine de Mayotte. Celle d’une société structurée bien avant la colonisation arabe. Jusqu’alors on constate une organisation politique avec des chefs de village entourés d’un conseil d’aînés. Somme toute assez similaire à la formation contemporaine des conseils municipaux. L’histoire de la « chèferie » à Mayotte tendrait à démonter que la société mahoraise repose sur des bases ancestrales, qui sont presque dans son ADN. Les bases d’une identité, certes évolutive, mais bien ancrée.
Une identité chamboulée également. « Nous avons connu deux colonisations, expose Zaïdou Bamana, la colonisation arabo-musulmane, et la colonisation française. Mais aussi une troisième qui est la colonisation comorienne »
Pour le journaliste, « c’est à travers notre histoire que nous trouverons le chemin de l’avenir. Elle nous rappelle d’où nous venons, des valeurs, une fierté ».
Ra Hachiri
Les valeurs et la fierté, ce sont des notions qui ont d’ailleurs forgé l’histoire de Mayotte. Des piliers du mouvement des chatouilleuses, un rempart contre la répression qui en a découlé, atteignant son paroxysme avec la mort en 1969 de Zakia Madi, atteinte par une grenade.
« La génération actuelle connaît l’image, pas la figure, pas la parole de ces gens-là, poursuit le fils de Younoussa Bamana, assis sous le portrait du M’zé. Mayotte, c’est le combat, la résistance et l’envie de faire, conclut-il. »
Des paroles complétées par les témoignages touchants de femmes qui ont vécu ces émeutes et leur répression. « J’étais enfant, ma maman a dit On a tué, ils n’avaient pas d’armes. De la fumée venait de Mamoudzou » témoigne l’une d’elle au fil d’un témoignage poignant. Ce jour là, 21 personnes étaient blessées. Peu ont été soignées. Faouzia Kordjee se souvient de la manifestation « J’ai tout vu, il fallait que je sois là ».
C’est aussi ça qu’Alain Kamal Martial appelle « le sens du combat. Il ne s’agit plus de commémorer de manière festive, mais de réfléchir à la cité de demain. Le visa par exemple fait partie de ces valeurs qui font qu’on protège l’île. Le combat n’est pas du passé, il est permanent. Ra Hachiri, soyons vigilants, ce combat doit rythmer la société mahoraise. Ce pacte de liberté est à réaliser. Le retour des slogans comme Non Karivendze prouve une constance. Cette île a une âme, son histoire a un sens, un noyau dur qui emmagasine les valeurs et les défend de génération en génération. »
Y.D.