Elles s’appellent Farrah, Assman, Nadine ou Aminat, et ont toutes en commun d’avoir créé leur entreprise. Certaines depuis longtemps, d’autres moins. Le Salon de l’entrepreneuriat au féminin leur est dédié désormais, avec un objectif, visé par Nabilou Ali Bacar, président de la BGE organisatrice de l’évènement : « Promouvoir la femme entrepreneure et favoriser les échanges entre professionnels et futures porteurs de projets ».
Quelques créatrices étaient présentes au rendez vous, une dizaine de stands abritait de la pluie ceux qui venaient au renseignement à Dembéni. Les jolis assortiments de bonbons de May Kids attiraient les enfants vers cette agence évènementielle qui leur est dédiée, « j’organise les anniversaires et les ‘bébé shower’ », explique Flaccine Daniel*, amusée par notre ignorance, « les mamans aux Etats Unis et maintenant en France, annoncent leurs grossesses à leurs amies avec une petite fête, aux couleurs du sexe du futur bébé ».
Un peu plus loin, c’est une réplique en miniature de son Optique du Lagon que présente Rifate Akbaraly, « je suis depuis 8 ans à Mayotte, et j’ai lancé la marque en 2012 ».
Sur le même stand, des parfums s’échappent des bougies de massage proposées par Assman Houdjati, une jeune maman de deux enfants de 4 et 3 ans, qui fourmille d’idées : « J’ai créé ‘Terre de rose’ en hommage à ma grand-mère avec qui nous habitions à Mroalé, sur le site portant ce nom. Quand le Club parfum a fermé en 2011 à la suite de la révolte des mabawas (grève de la vie chère, ndlr), j’ai racheté le stock, et je me suis lancée. » Ses bougies, à la cire 100% naturelle, à faire couler sur le corps pour un massage en douceur, et ses parfums viennent notamment de Grasse.
Les experts comptables sont présents, un peu en garde-fou : « Depuis la mise en place de l’Ordre des experts comptables en décembre 2016, il est interdit à Mayotte de pratiquer l’exercice de tenue de compte sans expert comptable », explique Mo Kalfane, qui les représente. Ils sont tenus d’organiser la profession en proposant notamment une formation de 40 heures par an.
La Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) est bien sûr partenaire, « nous guidons environ 3.000 porteurs d’idées ou de projets par an, vers la structure d’accueil adéquate, surtout dans le cadre de notre Maison de l’Entreprise inaugurée en novembre 2016. »
Lancement du statut d’entrepreneur salarié
Faute d’existence à Mayotte du statut d’auto-entrepreneur, il est possible d’être désormais entrepreneur salarié. Nabil Mrad nous explique ce nouveau concept : « L’entrepreneur reste payé en fonction de son chiffre d’affaire, mais nous lui facilitons la vie en lui prêtant un numéro de SIRET, en tenant ses comptes et sa gestion administrative. Ça existe à La Réunion depuis 10 ans maintenant. » Il se projette également comme facilitateur de la garantie décennale, « nous étudions comment fédérer plusieurs entrepreneurs sous un numéro de SIRET unique, et qui pourrait rassurer les assurances. »
L’adjointe au maire de Bandrélé, Maéchi Assani, revenait sur le contexte favorable à l’émergence des femmes entrepreneurs, « notre société matriarcale qui donne un rôle important aux femmes et qui devrait nous inciter à prendre notre destin en main, pour aller au delà des 48% de femmes entrepreneuse ici, déjà supérieur aux 40% du territoire national ».
Attente de l’élan du Département
La conseillère départementale chargée de la formation professionnelle, Mariame Saïd, ira plus loin en évoquant la matrilinéarité, qui fait des femmes les propriétaires de la maison, les gestionnaires du budget, et des enfants à Mayotte. » L’élue déclinait les 5,3 millions d’euros du conseil départemental depuis 2014 en aides directes à l’investissement aux entreprises, un chiffre très insuffisant par rapport aux besoins.
Et surtout, le Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation qui définit la feuille de route de la région pour 5 ans en matière d’aides aux entreprises, est encore à écrire… La Couveuse Oudjeribou notamment, aurait besoin d’un coup de pouce en tant que primo-accompagnatrice.
Pour Aminat Ariti, à la fois chef d’entreprise, et élue puisque suppléante du sénateur Thani Mohamed Soilihi, ces femmes ne font qu’imiter leurs grands mères, « elles l’ont fait de manière officieuses, et nous ont montré qu’on pouvait mener de front vie professionnelle et vie familiale ».
Sa vision politique, elle la voit dans ce domaine à travers le rôle moteur que peut jouer Mayotte, «qui sera peut-être un jour mise à l’honneur pour le dynamisme de ces femmes cheffes d’entreprise ! » Le Salon se tiendra ce dimanche à Chirongui à partir de 9h.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* May Kids 0639 25 14 50