Agnès Buzyn aura à peu prés tout perçu, « une île en difficulté démographique, à la population jeune, à la forte immigration », y compris des personnels hospitaliers, « très investis malgré le peu de présence médicale, et en réponse à une population aux énormes besoins en santé ». Mais n’aura rien annoncé, « je voulais me rendre compte par moi-même, mettre un visage quand je devrai défendre telle profession, ou l’agrandissement de l’hôpital ».
Justement, questionnée sur son annonce de 50 millions d’euros pour le CHU de La Réunion, la ministre explique qu’il s’agit d’un versement effectué « dans le cadre d’un plan de retour à l’équilibre après le déficit abyssal de l’établissement. » Mais qu’en matière d’investissement, « notamment sur des travaux nécessaires », les Réunionnais n’avaient pas été mieux lotis que les Mahorais. « Ici aussi, j’attends que le projet de reconstruction du CHM arrive au COPERMO », le Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins.
De la même manière, pour les améliorations de salaires de la fonction publique hospitalière, Agnès Buzy renvoie au ministre du budget, « Monsieur Darmanin vient à Mayotte, je vous laisse lui poser la question ».
Gagner plus, quitte à travailler plus
Face à la pénurie de médecin, il faut faire avec les moyens du bord dans un premier temps. C’est un peu la logique de la ministre qui appelle à « mettre en place des organisations innovantes, beaucoup d’infirmiers demandent des délégations de tâches, il faut le leur faciliter ».
Elle se défend d’entériner les glissements de tâches qui tombent sur des professionnels débordés de boulot, et qui doivent faire face en l’absence de médecins ou de spécialiste. « Il faut que ce soit cadré, évalué par l’ARS pour que la sécurité de soin des patients soit assurée. Et cette expérimentation se fera sur l’ensemble du territoire français, qui souffre aussi de désertification médicale. »
Les infirmières pourraient être amenées officiellement à effectuer des vaccinations qu’elles pratiquent déjà, « mais sans être valorisées financièrement ». « Gagner plus pour travailler plus », c’était un des mots d’ordre du mouvement hospitalier, « de toute manière, ce n’est pas à moi de décider, mais aux professionnels. »
Pas d’annonce sur l’AME ou la CMU-C
Le secteur médico social et des soins paramédicaux, tourne en « situation extrêmement dégradé », de l’aveu même de la ministre puisqu’une centaine d’enfants est sur liste d’attente chez Toioussi. « Certaines associations veulent ouvrir de nouveaux centres, nous devons les accompagner. »
A Mayotte, n’existent ni l’Aide Médicale de l’Etat (AME) qui permet de prendre en charge les dépenses médicales des étrangers en situation irrégulière, ni la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), une protection complémentaire santé gratuite. Toujours avancée comme une décision politique. Très interpellée sur le sujet pendant sa visite, la ministre a promis de travailler avec la Sécurité sociale sur le sujet de retour à Paris.
Moins de paperasse
Quant à habiller d’attractivité l’île, si elle consent à étudier d’éventuelles « aides financières avec la Sécurité sociale pour les professionnels », la ministre y croit moyennement, « les soignants sont des gens passionnés qui demandent surtout à exercer dans de meilleures conditions, et surtout, en les allégeant des tâches administratives. Le coût d’un personnel soignant incite à envisager à lui laisser plus de temps auprès d’un malade ». Un Plan national de lutte contre les déserts médicaux étudiera les freins réglementaires à faire sauter.
Les informations recueillies feront l’objet d’un chapitre spécifique pour chaque DOM dans la Stratégie nationale de Santé, donc « les besoins de la population de Mayotte seront pris en compte », notamment pour le diabète. La ministre veut suivre deux axes, qui peuvent paraître antinomiques, « adapter l’offre de soins aux spécificités du territoire », et « rehausser son niveau pour atteindre les standards métropolitains. »
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com