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Crise de l’eau : les vraies bonnes questions du CESEM

CESEM Ressource en eauBon sang mais c’est bien sûr ! Quand le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) pose une analyse sur un sujet, on peut quasiment à chaque fois terminer la lecture de ses travaux par la même phrase. Il nous refait le coup avec son dernier dossier consacré à la ressource en eau, intitulé «Entre effets d’annonce et réalités quotidiennes».

Ainsi, on comprend immédiatement à quel point le système de l’eau à Mayotte n’est qu’une addition de dysfonctionnements quand il affirme d’abord, que les deux retenues collinaires de Dzoumogné et Combani sont «des réserves stratégiques» qui doivent simplement venir «en appui de plusieurs autres bassins» ; qu’ensuite, comme tous les bassins stratégiques, elles «devraient être alimentés spécifiquement par des pompes» ; et qu’enfin, elles ne devraient pas être utilisées «pour la consommation courante, sauf urgence»… L’inverse de ce qui existe aujourd’hui.

Une gestion municipale

L’analyse de l’institution aborde le sujet sous différents angles. D’abord, il critique la gestion pour faire une proposition choc : la remunicipalisation de la gestion de l’eau à moyen terme, d’ici cinq à dix ans. Pour le Cesem, les communes sont les mieux «à même d’identifier les ressources disponibles inexploitées et d’en différencier les usages» (domestiques, industriels, services publics, enseignement, restaurants, mosquées…). Mais un préalable s’impose : «que soient garanties les compétences techniques des équipes communales» et que «les élus locaux se réapproprient le pilotage du Sieam pour se familiariser à cette politique sensible».

Un forage du Sieam pour l'eau potable à Majimbini (Archive: octobre 2014)
Un forage du Sieam pour l’eau potable à Majimbini (Archive: octobre 2014)

Selon le Cesem, avec une telle organisation, «le Sud aurait sans doute évité les coupures (…). En effet, les communes de Sada, Chiconi, et Ouangani se situent sur deux grands bassins-versants qui ne font pas l’objet d’une gestion réfléchie sur l’eau. De nombreuses petites réserves d’eau ou encore la ressource de Dembéni et de sa grande rivière aurait pu fournir à la commune de Bandrélé l’eau nécessaire pendant cette crise.»

Protéger les rivières

Le Cesem demande aussi une responsabilisation des ménages et des entreprises, des politiques de sensibilisation à l’économie de la ressource et d’incitation à la collecte et à la récupération des eaux de pluies, (comme a pu en bénéficier l’énergie solaire), la mise en place d’un Office de l’eau (comme cela existe en Martinique et à La Réunion) ou encore la sanctuarisation des rivières en amont des retenues collinaires et des zones de captage, avec des moyens de police adaptés. «Des photos aériennes témoignent de la déforestation et des cultures sauvages réalisées autour de ces cours d’eau», explique le Cesem.

La Signature du plan eau Mayotte le 27 fébrier 2017 (Archives)
La Signature du plan eau Mayotte le 27 fébrier 2017 (Archives)

Car le rapport aborde aussi de façon frontale la question environnementale : «Le Plan eau Mayotte ne dit rien de la protection de ces rivières, pas plus que le schéma de gestion des espaces naturels protégés». «Un schéma de protection des zones humides serait le bienvenu», conclut l’institution qui explique que «pour satisfaire les besoins en eau de la population, le captage d’eau de surface dans les cours d’eau devrait suffire» pour 80% des besoins, 18% provenant des forages et 2% de la désalinisation.
«Il est important de comprendre que les retenues collinaires, dont le niveau est descendu si bas ces derniers mois, sont alimentées pour l’essentiel par plusieurs cours d’eau en amont, et non pas par des pluies providentielles qui tomberaient juste au-dessus».

Perplexe sur le plan gouvernemental

Le rapport met aussi en question le plan d’urgence «Eau pour Mayotte» de 51 millions d’euros annoncé par le précédent gouvernement. «Le Césem reste aujourd’hui dubitatif et bien perplexe car rien ne laisse présager à ce jour, et encore une fois, une mise en œuvre effective des actions envisagées. D’autant plus qu’avec le tout récent changement de gouvernement, quid du maintien de ces engagements pris et de leur mise en œuvre tant technique que financière?» se demande le document.

La retenue collinaire de Combani remplie à 15% de ses capacités en janvier 2017 (Photo: JS/Le JDM)
La retenue collinaire de Combani remplie à 15% de ses capacités en janvier 2017 (Photo: JS/Le JDM)

Ce sont aussi les chantiers engagés qui laisse l’institution sceptique. L’interconnexion des retenues collinaires pour répartir la ressource est en cours de réalisation alors que l’interconnexion non pas des retenues mais des réseaux Nord-Est et Centre-Sud, dont les canalisations ne sont séparées que de quelques centaines de mètres au niveau de Tsoundzou, n’a pas été envisagée. Certes cela nécessiterait des aménagements, mais les travaux à mener «seraient relativement simples, rapides et peu coûteux au regard des autres réponses apportées», comme le recours au tanker d’eau.

Pour le Cesem, programmer des chantiers c’est bien, mais définir les responsabilités «sur l’absence de mise en œuvre lors des précédentes programmations», c’est aussi une démarche nécessaire. Quand on vous dit que le Cesem dit les choses essentielles.

RR
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