« Je suis la seule sans papier à la maison. Nous sommes des aliens ! », assène Sitti Harithani. Elle ne croit pas si bien dire, le mot anglais est tiré du latin ‘alienus’ (étranger).
Ce n’est pas la première fois que nos lois nous rendent schizophrènes, ce qui explique sans doute l’état de déprime des habitants de l’Hexagone vis à vis des politiques. Mais que dire d’un Etat dont un des bras interdit à tout étranger sans papier de demeurer sur le territoire, pendant que l’autre lui ouvre les portes des établissements hospitaliers.
Comment interpréter des lois qui imposent de scolariser tous les enfants quelques soient leurs situations, mais qui ne les acceptent plus sur son territoire quelques années plus tard ?
C’est avec ça que doivent jongler les services préfectoraux qui les recevaient à 10h. Ils étaient emmené par Anli El-Sami, qui a eu la chance lui, d’être inscrit au CUFR de Dembéni, « je suis passé en 2ème année de licence de géographie cette année ».
4 ans d’attente pour poursuivre ses études
Beaucoup de chance, oui, puisque l’université demande à être en situation régulière sur le plan administratif pour s’inscrire. Ils sont alors envoyés vers les services de la préfecture pour obtenir un récépissé. Certains parviennent à s’inscrire, mais avec un titre arrivant à échéance en cours d’année.
Si un récépissé est indispensable pour l’Université de Dembéni, il faut une carte de séjour pour se rendre en métropole et intégrer des filières non proposées ici.
Une étudiante détentrice d’un Bac L est inscrite en licence de langue à Bordeaux, à la suite de son inscription sur admission Post bac, dont le site n’interroge pas sur la situation particulière de chaque étudiant. Une autre a eu son Bac en 2012, « depuis j’attends que la préfecture me délivre des papiers pour poursuivre mes études. Nos parents saturent parce qu’ils ont subvenu à nos besoins jusqu’à maintenant, et aimerait nous voir devenir autonomes. »
Les études ou le mariage
Elles l’avouent, « beaucoup de filles se marient avec un français pour simplement pouvoir quitter le foyer de leur enfance et subvenir à leurs besoins. »
Un enseignant de CAP a même envoyé au préfet un courrier ce 29 août pour défendre les chances de deux de ses étudiantes.
Ils ont eux-mêmes envoyé un courrier au préfet le 9 août, « mais nous n’avons pas eu de réponse ». Il faut dire que le contexte n’est pas à la souplesse dans la délivrance de titres de séjour. « C’est pourtant urgent, car nous sommes à la veille des rentrées universitaires en métropole. » C’est ce qui les a déterminé à défiler pancartes en main ce matin, et c’est une première.
A les entendre, ils représentent une masse silencieuse, « 75 sont concernés par le problème ».
Leur rencontre avec le secrétaire général de la préfecture n’aura pas duré longtemps : « Il nous a demandé du temps pour étudier nos problèmes et nous a donné rendez-vous le 2 septembre à 11h ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte