Le premier contact avec leurs classes a eu lieu mercredi, et ce samedi, les profs qui ont posé pour la première fois le pied à Mayotte, étaient réunis pour écouter ce que les spécialistes dans leur domaine avaient à leur apprendre sur leur nouvelle vie, au contact d’un territoire à part, à la culture bien ancrée.
Nous reviendrons sur les messages et les mises en garde qui leur ont été délivrés, pour les écouter sur les raisons de leur présence ici. Et ce n’est pas seulement une chasse à la prime.
« C’est ma femme qui m’a forcé ! », nous lance goguenard l’un d’entre eux. Un couple qui avait envie de « découvrir autre chose », mais qui reconnaît que « les évènements se sont aggravés après notre décision, nous n’avons alors pas eu d’autre choix que de venir. » Enseignants tous deux au collège de Bandrélé, ils ont « une impression positive pour l’instant ». A côté d’eux, une nouvelle collègue témoigne: « Bien sûr que j’ai vu ces images négatives de l’île. mais j’ai aussi vécu le 14 juillet sanglant à Nice, et je me suis dit que je ne serai pas plus mal ici »…
Une violence préjudiciable aux jeunes
Marie-Dominique, enseigne au lycée de Tsararano et connaît déjà Mayotte : « J’ai déjà fait 4 ans de 2008 à 2012. J’ai pris la décision de revenir en dépit des échos négatifs, poussée par la volonté d’apprendre des élèves. Ils ont un goût pour l’école, la conscience que c’est leur seule chance de s’élever, de connaître une vie meilleure. Je suis d’ailleurs restée en contact avec d’anciens élèves venus étudier en métropole, et certains d’entre eux ont même décroché un travail. » Si elle est revenue aussi pour « la beauté exceptionnelle de l’île », elle nuance, « elle est ternie par les violences qui sont perpétrées. Il n’est pas concevable de pouvoir être agressé sur la route. Des actions qui portent finalement préjudice aux jeunes qui ne pourront plus avoir un enseignement de qualité sur place. »
Délia est optimiste : « Malgré les violences, beaucoup de gens restent. On a l’impression que la délinquance commence à être maîtrisée. Et de toute manière, j’apprécie par dessus tout, l’humanité du peuple Mahorais. »
« Plus utile ici »
« Ce poste a été une belle surprise pour moi », rapporte un jeune professeur de maths au CUFR de Dembéni. C’est une prise de responsabilité pour lui, puisqu’il aura des 3ème année de licence, alors qu’il enseignait en Classe préparatoire des Grandes écoles, à Gustave Eiffel, à Bordeaux. Il est également chercheur, et le poste de Dembéni lui va comme un gant, à l’entendre : « J’avais de très bons élèves en prépa qui finissent l’année sans surprise, avec de bons résultats. Ici, mon investissement sera sans doute plus utile. »
Julia et Claire, qui vont exercer au lycée de Dembéni, n’ont pas voulu se fier à l’image négative renvoyée par les médias : « Nous avons hésité, mais on ne rapportait pas les éléments positifs, nous avons donc décidé de nous rendre compte par nous-même. »
« Les évènements d’avril m’ont marquée »
« Surtout que les aspects positifs prennent pour l’instant le dessus sur le reste », leur font écho Pierre et Marie-Laure, qui confient qu’il était plus facile de venir à Mayotte qu’ailleurs, « le système de points nous fermait d’autres territoires. » Ils ont malgré tout peur des bruits qui courent sur l’insécurité, « mais on ne la ressent pas pour l’instant. »
Marie-Gabrielle était à Mayotte en avril en éclaireur : « Les évènements d’avril m’ont marquée. A Kawéni, des écoles avaient fermé, et les métropolitains qui sont là depuis longtemps disaient leur grande fatigue des tensions sociales, de rester cloîtré le soir chez soi, plusieurs voulaient partir. »
Quant à Jean-François, c’est par des collègues qu’il s’est fait une idée de l’île en métropole, « ils m’ont parlé des qualités du territoire et du besoin d’enseignement qu’ont les élèves. Je pense être plus utile ici qu’en métropole où il est fréquent que les élèves refusent ce qu’on leur propose. » Mayotte a mauvaise presse, il en a conscience, « mais on peut surmonter ces difficultés. » Il enseigne la gestion dans le lycée imaginaire de Mamoudzou Nord, « en attendant son ouverture, je suis au lycée de Kawéni », sourit-il.
Beaucoup de volonté donc, parmi la plupart des nouveaux arrivants. Si certains se sentent investis d’une mission, d’autres sont venus comme dans un autre département d’Outre-mer, pour découvrir une autre culture, et d’autres paysages. On ne peut que leur souhaiter une bonne année scolaire sur la lancée de ce Séminaire de rentrée.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte