Nous relations hier le nouvel acte de moto jacking survenu jeudi dernier à la Kwalé, un fait divers qui met en lumière la pente dangereuse sur laquelle glisse à nouveau le quartier. Peu à peu, il semble renouer avec les pires moments qu’il a connu ces dernières années. L’ensemble de logements SIM s’était vidé de ses habitants. Plus personne ne voulait vivre dans un endroit à l’origine agréable, à proximité de la rivière, mais devenu cauchemardesque pour cause d’insécurité.
Face à la crise, la SIM avait «résidentialisé» le quartier pour tenter de mettre un terme aux cambriolages et aux agressions. Une clôture et un éclairage a été installés pour sécuriser l’endroit. Et de fait, dans un premier temps, cette politique a porté ses fruits. La SIM a trouvé de nouveaux locataires à tel point qu’une liste d’attente a même été créée pour faire face aux demandes, liées à la proximité du nouveau collège. Mais depuis quelques mois, les actes de délinquance minent à nouveau la zone.
C’est ainsi que jeudi dernier, un homme a donc été victime d’un moto jacking à la mi-journée alors qu’il rentrait chez lui pour déjeuner.
Un trio bien organisé
Sur le chemin qui mène au quartier, il s’arrête sur son scooter pour discuter avec quelqu’un qu’il connait. «Je n’ai rien vu venir. L’individu est arrivé par derrière et il a coupé le moteur et a pris les clés», nous raconte la victime. «Il avait un gros bâton, une sorte de matraque». «Descend», lui dit-il alors. Il répètera son ordre plusieurs fois.
Car sur le deux-roues, la victime n’a pas du tout l’intention de lâcher son scooter. Il est quasiment neuf et c’est un bel engin qui a une certaine valeur.
«Mon ami a parlé avec lui en comorien. J’ai essayé de lui dire que je pouvais lui donner de l’argent», explique la victime, mais rien n’y fait. «Il n’arrêtait pas dire ‘descend’». Alors que le malfrat lui donne alors un petit coup sur le casque, deux autres individus surgissent de la brousse. L’un d’eux est armé d’une grosse pierre qu’il menace de lui jeter dessus.
Le scootériste essaie de gagner du temps, espérant qu’une voiture arrive pour mettre les jeunes en fuite. Mais elle ne viendra jamais et l’homme est contraint de laisser son scooter puis son casque.
Un lacrymogène sur le deux-roues
La victime tentera d’empêcher le voleur de partir avec le deux-roues, en vain. «Je me suis accroché au scooter pour essayer de le faire tomber. Il a fait deux embardées mais il a réussi à partir. L’autre jeune a lancé la pierre. Je l’ai vu arrivée et j’ai réussi à l’esquiver.» Le voleur du deux-roues s’enfuie tandis que les deux complices repartent tranquillement vers Tsoundzou 1.
Face à l’agression, le sentiment de la victime en dit long sur l’état d’esprit qui règne sur les routes de Mayotte. «Je m’en veux de ne pas avoir fait ce qu’il fallait pour ne pas que ça arrive. Je circule toujours avec un lacrymogène à portée de main. Mais ce jour-là, je l’avais laissé dans le coffre du scooter», nous confie-t-il. Car dans le quartier, on enregistre déjà trois ou quatre vols de deux-roues garés devant les cases et un autre cas de moto jacking il y a quelques semaines…
Une commande depuis Anjouan
Mais cette fois-là, la victime a eu le temps de voir ses agresseurs. L’homme a fourni une description précise à la police et il a également alerté ses connaissances. Le porteur de la pierre a ainsi été identifié, interpellé et le scénario de ce vol a pu être reconstitué : il s’agirait d’un acte patiemment prémédité pour répondre à une commande de scooter faite depuis Anjouan. «Ils sont passés à l’acte le jeudi mais ils me surveillaient depuis le lundi. Je pense qu’ils avaient l’intention de venir chez moi pour me cambrioler», relate le scootériste.
Malgré l’interpellation d’un des membres du trio, la victime est un peu désabusé. Car le jeune homme sera bien jugé au mois de février prochain. Mais il a été expulsé. Concrètement, cela signifie qu’il peut couler des jours paisibles à Anjouan. Quant au jugement du tribunal de Mayotte, il ne sera applicable que lorsqu’il lui sera notifié… S’il revient à Mayotte et s’il se fait interpeler de nouveau… Pas sûr que cela lui serve réellement de leçon et lui passe l’envie de recommencer.
Une insécurité causée par le manque d’aménagements
A Kwalé, l’interpellation n’a pas vraiment changé l’état d’esprit des habitants, contraints de vivre dans un climat d’insécurité largement créé par les lourds problèmes de voierie de la zone. Pour accéder aux cases, il faut en effet emprunter le chemin défoncé que les relient à la nationale.
La SIM, la mairie et l’Etat se renvoient la balle pour savoir qui doit faire en sorte que les contribuables puissent à nouveau rouler à allure normale et ne se mettent plus en danger sur cette portion de route. A l’heure de la vidéo-protection et d’une politique volontariste de lutte contre la délinquance, il existe donc des zones, ici comme ailleurs, où des aménagements relativement simples pourraient en partie résoudre bien des problèmes.
RR
www.jdm2021.alter6.com