Ces vitrines, conçues avec effervescence il y a à peine deux ans, trônent fièrement dans la petite salle de conférence, des anciens bâtiments de la Caserne à Dzaoudzi. Les lieux avaient un air encore plus miniature en ce samedi d’inauguration des Journées nationales de l’Archéologie, en faisant le plein de personnalités, comme jamais le MUMA n’en a eu en même temps : préfet, vice-présidents du conseil départemental, colonel de gendarmerie, président du tribunal, vice-recteur, chef de corps du BSMA, directrice de la Dieccte, président du Medef… tous se pressaient pour écouter l’Histoire racontée par les archéologues.
Depuis peu de temps, Mayotte fouille dans son passé. « Nous avons mené 6 campagnes depuis 2012 », retrace pour ses invités le doctorant en archéologie Martial Pauly. Sur le site au nom malgache d’Antsiraka Boira d’Acoua, au nord-ouest de l’île, sépultures et perles ont été découvertes, permettant de dater les arrivées successives des peuplements, notamment austronésiens et bantous de Mayotte.
Des militaires alcooliques
Tessons de céramique persane du XIIème siècle, conque austronésienne pour invoquer les esprits, perles blanches d’Afrique de l’Est, perles blanches Indo-pacifique, « toutes ces pièces sont la preuve que l’île était une escale du grand commerce de l’océan Indien », relève Martial Pauly. Il relevait une particularité des fouilles à Mayotte : « Contrairement à la métropole où on fouille souvent dans des endroits dont la terre a été retournée, ici, les vestiges sont intacts sous 20 centimètres de terre. »
Un peu plus loin, ce sont des fragments d’assiette d’époque coloniale, « retrouvés boulevard des Crabes en Petite Terre par un amateur qui les a confiés au Conservateur archéologique de La Réunion », explique Chloé Lesschaeve, Direction des Affaires culturelles de la préfecture, ainsi que des tessons de bouteilles « d’origine anglaise, d’après le goulot », répondait-elle au préfet. Et grâce à Pauline Gendry, Directrice des Archives départementales, on en saura plus sur les habitudes alimentaires de la période coloniale, et notamment que « les militaires français au 19ème siècle étaient alcooliques ».
« Quand les écrits manquent, il y a l’archéologie »
De nouvelles fouilles sont en cours cette année, à M’Tsanga Miangani à Kangani ainsi qu’à M’Tsanga Sakouli sur la commune de Bandrelé. Ces sites ont déjà révélé l’existence de sépultures.
Les visiteurs du dimanche pourront découvrir ces vitrines, ainsi que l’exposition permanente du Musée provisoire de Mayotte, et doublée pour ces Journées d’ateliers, poterie, perles, et fouilles. Et l’exposition « Tromelin, l’île des esclaves oubliés », où le destin de ces Malgaches naufragés de « L’Utile », navire négrier français qui s’échoua en 1761 sur l’île de Tromelin, récif corallien de l’océan Indien.
Beaucoup découvraient les richesses de l’île, qu’ils pourront approfondir avec des visites* in situ ce dimanche, à Acoua, avec Martial Pauly et Marine Ferrandis, archéologue-anthropologue. (Voir le Programme-des-JNA)
Bourhane Allaoui, conseiller départemental et membre de la commission culture, résumait parfaitement cette richesse : « L’archéologie permet de sonder le passé pour découvrir l’histoire des peuples et comprendre ce qui les lie. La conjoncture nous prouve que cette appropriation est nécessaire. C’est la reconnaissance que l’identité mahoraise est multiple. »
Le préfet Frédéric Veau replaçait l’utilité de ces découvertes : « quand les écrits sont rares ou inexistants, il y a l’archéologie. Dans ce 101ème département où la population est si jeune, il est très important de connaître les racines pour savoir d’où on vient et où on doit aller. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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