«Ce matin, il ne s’est rien passé!» Tout sourire après presque quatre heures d’audition dans le bureau du juge d’instruction de Saint-Denis Jean-Pierre Niel, l’avocat Francis Szpiner descend les marches du palais de justice de Champ Fleuri aux côtés de l’ex patron du GIR de Mayotte, le capitaine de gendarmerie à la retraite Gérard Gautier.
Le ténor du barreau de Paris explique être confiant pour son client. «Il est ressorti du cabinet du juge d’instruction, non seulement libre, mais il n’a pas non plus été mis en examen, indique l’avocat. Il ressort avec le statut de témoin assisté. Je pense que les explications qu’il a fournies montrent que ces poursuites ne peuvent pas prospérer. Si la justice suit son cours normal et dans la sérénité, je ne suis pas inquiet. Et cette affaire se terminera nécessairement par un non-lieu».
L’ancien responsable du Groupement d’intervention régional de Mayotte était jeudi 28 avril convoqué dans le cadre de l’affaire «Adi». Dans ce dossier, des membres du GIR, à savoir des gendarmes et des policiers, sont soupçonnés d’avoir utilisé des «indics» dans le but de faire passer du cannabis entre les Comores à Mayotte sur des kwassas, contre l’obtention de cartes de séjour.
Des signatures en question
Ils auraient voulu démontrer artificiellement l’efficacité de cette unité créée en 2008, grâce à de bons résultats en termes de saisies et d’interpellations. Une opération du GIR avait ainsi conduit le 23 février 2011, à l’interpellation de deux personnes en possession de 22 kilos d’herbe sur une plage de Mayotte. Il est donc question d’infraction à la législation sur les stupéfiants et sur les étrangers, mais aussi de faux et usage de faux.
«Aucun de ces chefs possibles de mise en examen n’a cependant été retenu contre mon client», a insisté Me Szpiner. Le juge d’instruction Jean-Pierre Niel a notamment cherché à savoir si la signature de l’ancienne responsable de la police aux frontières (PAF) locale avait été imitée sur un procès-verbal récapitulant les opérations d’interpellations. «Nous avons démontré que le cheminement procédural des signatures montre que le capitaine Gautier n’avait aucun intérêt à imiter la signature de cette policière, et de surcroît que celle-ci avait, elle, toutes les raisons de signer, poursuit Me Szpiner. Il n’y a, par ailleurs, pas eu d’expertise graphologique».
Un contexte judiciaire tendu
L’avocat en a profité pour viser Hakim Karki, le juge d’instruction qui avait, à Mayotte, d’abord prononcé la mise en examen du capitaine Gautier en novembre 2013, avant que sa décision ne soit annulée par la chambre de l’instruction en février 2014 et que le magistrat ne soit dessaisi du dossier au profit du juge Niel, dans un contexte judiciaire particulièrement tendu.
Me Szpiner assure ainsi que «la policière de la PAF a fourni un mail intéressant que lui a envoyé un autre policier pour lui faire part de l’état d’esprit de celui qui était à l’époque le juge d’instruction, en des termes qui sont susceptibles, après vérification, de nous amener à [porter plainte, ndlr]. Mais on en reparlera…»
Les affaires du GIR
Dans ce dossier, à l’origine, trois anciens collègues du capitaine Gautier avaient été entendus par le juge Karki en 2013. Deux d’entre eux avaient été mis en examen pour infraction à la législation des stupéfiants. Un autre avait obtenu le statut de témoin assisté.
Tout juste retraité, le capitaine Gautier, avait lui été interpellé dans la banlieue rennaise où il est parti s’installer. Mais sa garde à vue, ainsi que celle d’un autre ancien collègue policier, avait été prématurément levée à la suite d’une anecdote insolite. Les policiers en charge de l’enquête, qui avait fait le voyage en métropole, s’étaient perdus avec les deux suspects dans les couloirs du tribunal de Nanterre…
L’affaire Adi est donc un autre volet judiciaire concernant le GIR de Mayotte. La première affaire à avoir abouti à un procès a été celle concernant la mort de la jeune Roukia Soundi, jugée en première instance en novembre dernier.
RR, le JDM
Avec Harry Amourani, le JIR.