Le bâtiment surplombe une petite place végétalisée, en retrait de la route et de ses nuisances, une ambiance calme, propice à la lecture. Celui qui n’est plus élu du canton, mais qui en est à l’origine, Jacques-Martial Henry, nous fait visiter des lieux en pleine dégradation. Sa colère ne fait que croitre à mesure que nous passons d’une salle à l’autre.
« En 1996, c’était une petite bibliothèque associative, gérée par l’Association pour la promotion éducative de Passamainty, que je présidais. » Elu adjoint au maire de Mamoudzou, chargé des finances et de l’administration générale, il devient président du Groupement d’intérêt public (GIP) Mamoudzou-Koungou de 2001 à 2005. Ce qui lui donne l’occasion de transformer la petite bibliothèque en médiathèque.
Un investissement de 2 millions d’euros, issus du GIP, de la commune et d’une dotation allouée dans le cadre de la départementalisation, qui employait alors 11 personnes à temps plein. « La directrice d’alors, Sourayat Hilali, détentrice d’un Bac+5, avait pour mission de programmer un plan de formation sur an pour le personnel, ce qu’elle fit en profitant du réseau national. »
Des ordinateurs étiquetés « hors d’usage » depuis 3 ans
C’est 2008 qui sonnera le glas de la structure selon lui, « avec l’arrivée de l’UMP Ladjo à la tête de la mairie », explique l’élu centriste. Après qu’un jeune directeur diplômé mais victime de ses problèmes personnels, s’en aille, il n’est pas véritablement remplacé à l’entendre, « une responsable est nommée, sympa, mais sans bagage équivalent. »
La médiathèque, inaugurée officiellement en 2011 par Frédéric Mitterrand, alors ministre de la culture, est un complexe comprenant plusieurs pôles : « Une section culturelle avec une salle ‘art et expo’ pour développer les talents des petits et grands, une salle audiovisuelle, une salle de lecture avec une partie réservée à la petite enfance et enfin une salle informatique, « avec 24 ordinateurs en réseau reliés à un serveur-tour. Tout cela est devenu hors d’usage. »
On connaît les emportements verbaux de l’ancien conseiller général, et lorsqu’il souligne qu’avec l’actuelle majorité municipale, « ça se dégrade encore un peu plus », on demande à voir. Et on voit : la salle informatique est meublée d’ordinateurs étiquetés « hors d’usage », « cela fait 3 ans qu’ils sont comme ça ! », et Jacques-Martial Henry cherche le gros serveur-tour des yeux, va aux renseignements, « il a été apporté à la mairie », lui apprend-on.
Un personnel compétent qui n’a plus d’outil
Il serre les lèvres, « le procureur a raison lorsqu’il met les élus devant leurs responsabilités », et poursuivant, « non seulement ce serveur était relié au réseau de la Médiathèque, mais aussi à la bibliothèque annexe, que nous avions construite pour permettre aux enfants d’une autre zone de Passamainty d’accéder à ces outils. Un bâtiment qui a été transformé en Point Information Jeunesse. »
Dans la salle audiovisuelle, ça n’est pas mieux : le rétroprojecteur et l’écran ont disparu. Juste à côté, une salle est réservée au soutien scolaire : « elle est insonorisée pour ne pas perturber les lecteurs de la bibliothèque. » Mais si des élèves viennent y réviser, aucune action de soutien n’est programmée : « Nous avions mis en place un fonds pour l’animation, dont le soutien scolaire. Il était porté par une association qui organisait le travail. Il n’y a plus rien… »
Une jeune femme arrange les livres sur une étagère, elle est assistante de conservation, « j’ai été formée pour ça en 2007 à la Bibliothèque de prêt de Cavani », explique-t-elle. Selon l’élu, la politique actuelle est à l’embauche de CUI, « dont on ne sait pas quoi faire ! »
Autour, plusieurs écoles maternelle, primaire, plus loin deux collèges : une clientèle toute trouvée pour ce genre de lieu, à l’heure où on parle désœuvrement des jeunes et éducation.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte