Ils sont restés enfermés pratiquement 3 heures, à l’issue desquelles ils ont signé une motion. « C’est celle que nous vous avons présentée ce matin même, en plus édulcoré », explique Saïd Omar Oili, président de l’association des maires. Ils y demandent la mise en place de moyens sécuritaires « pour maîtriser la montée des actes de délinquance et de violence ». Allant dans le sens de la mobilisation matinée Ile morte. Ils ont rajouté un premier paragraphe: il porte sur « un dialogue et un partenariat respectueux, responsable et constructif avec les Services de l’Etat pour surmonter ces épreuves. »
« Nous ne pouvons plus accepter le ton sur lequel le préfet et le procureur nous ont parlé », expliquent-ils. Ils ne sont pas exempts de tout reproche, puisque leur démission sur les domaines qui leur incombent est souvent pointée du doigt, notamment par les associations qui prennent en charge les jeunes. Mais c’est lorsque le sujet sur l’immigration a été abordé que le préfet aurait vu rouge.
« Aucun tabou en matière d’immigration clandestine »
Comme il nous l’avait rapporté le matin même, Bacar Ali Boto, le 1er adjoint au maire de Mamoudzou, a évoqué , les difficultés que pose l’immigration clandestine dans sa commune, notamment ces jeunes « inactifs, et qui sont en survie », impliquant l’Etat dans une de ses compétences régalienne, ce que n’aurait pas apprécié Seymour Morsy. Sujet fragile en métropole, les élus estiment qu’il ne doit pas y avoir de tabou dans ce domaine, et l’ont rajouté dans leur motion, « sur tous les plans, droit du sol, ZSP, urbanisation sauvage (…) en particulier la question de l’incidence de l’immigration clandestine sur les politiques publiques et notamment sur l’insécurité. »
Là-dessus, on ne peut que leur donner raison, tant que le sujet n’est pas exposé sous toutes ses coutures, difficile d’en trouver les solutions. D’ailleurs, lorsque nous interrogions cet après-midi Seymour Morsy sur ce sujet, il évoquait la difficulté pour l’Etat de juguler ce phénomène migratoire, « à moins d’appliquer une législation différente. »
L’équivalent d’un escadron en plus sur quelques semaines
Un éclat qui n’aura pas permis au préfet d’annoncer un renfort sécuritaire qui va se décliner comme suit: en plus de l’effectif permanent de 174, et de l’effectif renouvelé de 107 gendarmes, l’île va recevoir un renfort de 65 gendarmes mobiles d’Aunay sur Odon qui vont rester jusqu’à mi-mai. A mettre en lien avec le fort rassemblement « Ile morte » du matin. La date n’est pas encore fixée, « elle pourra évoluer en fonction du contexte », indique-t-on du côté de la préfecture. En juillet, 42 militaires supplémentaires arriveront.
De leur côtés, et cela reporte à la mise en cause du procureur qui reprochait aux élus leur absence à certains CLSPD, les élus se disent résolus « à mobiliser tous les outils à leur disposition en terme de prévention, d’animation d’accompagnement et d’insertion des jeunes en partenariat avec l’Etat pour donner à cette jeunesse désorientée des perspectives d’avenir. »
Changement de ton
Une rupture qui sera peut-être un mal pour un bien, puisqu' »il n’y a pas scission avec l’Etat », affirmait Roukia Lahadji, maire de Chirongui. Le préfet a proposé de se déplacer jusqu’à l’hémicycle ce soir, ce qu’ils ont refusé, « simplement parce que nous devions nous mettre d’accord entre nous », explique Saïd Omar Oili.
Le droit au respect n’avait jamais encore été revendiqué aussi fort de la part des élus qui sont souvent critiqués à bon compte, ceux qui font le job se retrouvant dans le même panier que les autres. Ils font remarquer que s’ils peuvent parfois être critiques envers la politique de l’Etat ou l’attitude de membres du corps préfectoral, ils veillent à ne pas en dégrader l’image en public. Un changement de ton, c’est ce qu’ils demandent: « Arrêtez de nous dénigrer lors des prises de parole publiques ».
Une tension supplémentaire à Mayotte au moment où l’île en a le moins besoin, mais qui peut déboucher « sur une relation partenariale », espéraient-ils. La motion sera remise au préfet, puis à Manuel Valls.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte