Une expérience inédite à Mayotte a démarré hier à Dembéni. L’association Hip-Hop Evolution et le «Vagabond crew» de métropole créent un centre de formation hip-hop: dépassement de soi, cultures de la tolérance et du travail, sans oublier réussite scolaire et implication des familles.
Ils sont presqu’une trentaine assis, à écouter attentivement celui qui est bien plus qu’un prof, un modèle. Tous âgés entre 10 et 15 ans, ils sont les danseurs mahorais présélectionnés pour intégrer le «Vagabond Lab» de Mayotte, le premier centre de danse et de réussite scolaire mis en place dans le département. Hier samedi à Dembéni, Mohamed Berlabi, l’animateur des sessions, réunissait le groupe pour lancer l’expérience.
Bien sûr, avec ses nombreux titres en France, au Royaume-Uni et surtout un palmarès impressionnant de multiple champion du monde de breakdance, le fondateur du Vagabond Crew sait qu’il impose le respect. Mais face aux jeunes, il faut tout de même poser les règles et les enjeux du Lab que ces Mahorais intègrent pour 3 ans: autonomie, respect, partage, tolérance et travail.
«Avoir en face d’eux quelqu’un qui un palmarès, ça facilite les choses, ils sont à l’écoute. Mais ce qu’on attend d’eux, c’est qu’ils soient aussi acteurs, qu’ils construisent leur projet pour réussir», explique Mohamed Berlabi.
Vagabond Lab est en effet bien plus qu’un centre de formation hip-hop. «C’est un projet global avec bien sûr la danse mais aussi au cœur, la réussite scolaire et l’implication des familles», explique Sophie Huvet de Hip-Hop Evolution qui travaille sur l’initiative depuis plus d’un an.
Force mentale
Pendant les 3 années du dispositif, ces jeunes vont participer à des sessions de 7 jours à chaque vacances scolaires, qui consistent en une immersion totale dans le Lab, ce qui signifie danser, manger, dormir, bref vivre ensemble durant une semaine complète. Pendant ces sessions, ils vont apprendre à maîtriser les techniques, les mouvements et corriger les mauvais réflexes acquis à danser dans la rue. Bref, devenir de véritables danseurs hip-hop de haut niveau.
«Ceux qui vont y arriver, ce ne sont pas les plus forts physiquement ou dans la danse mais ceux qui seront forts dans leur tête». La phrase de Mohamed Berlabi a été entendue sans que ces jeunes réalise pleinement ce qu’elle signifie. Ils vont en effet devoir tenir le choc d’une dizaine d’heures de danse chaque jour et plus encore d’une discipline sans faille, qui commence par la ponctualité.
Le suivi du quotidien
Mais au-delà de la danse, le Vagabond Lab va suivre le parcours scolaire des jeunes. Sophie Huvet a d’ailleurs récupéré les bulletins des danseurs pour mieux pouvoir les accompagner. «On suit l’évolution des moyennes. SI ça chute, on regarde les difficultés et on essaie de trouver des solutions. En tout cas, il faut qu’ils comprennent qu’un très petit pourcentage de gens peuvent gagner leur vie avec la danse. Donc, l’école c’est essentiel et il ne faut pas que la danse prenne toute la place», relève Mohamed Berlabi.
Avec le lab, les familles sont aussi impliquées pour qu’elles suivent le parcours de leur enfant au sein de l’expérience et que les valeurs acquises au sein du centre soient mises en pratique dans la vie quotidienne. Elles seront aussi l’interlocuteur privilégié si, d’aventure, ça ne se passe pas bien avec un jeune.
Apprendre à construire
«C’est un groupe évolutif. On va regarder leur parcours sur des critères de danse, de comportement, leur engagement avec leur famille et l’évolution de leur réussite scolaire. En fonction de tout ça, tous n’iront pas au bout», explique Sophie Huvet qui sait que ce projet peut donner de beaux résultats. Un premier Lab de ce type a été mis en place par Vagabond en Languedoc Roussillon, il y a deux ans. «Tous les gamins sont dans des projets. Ils arrivent avec beaucoup plus de faciliter à parler, à construire, à se projeter. Ca prend du temps mais ceux qui vont au bout, même si c’est pas facile, ils nous remercient à la fin», raconte Mohamed Berlabi, qui trouve avec ce lab, une nouvelle façon de transmettre la danse Hip-Hop et ses valeurs.
Après un démarrage à Dembéni, Hip-Hop évolution est en discussion avec la mairie de Mtsangamouji pour la mise à disposition du gîte de Mliha, rénové par un chantier école OIDF. Ce pourrait donc être l’endroit qui va accueillir le sessions des vacances scolaires mais aussi celles prévues durant certains week-end.
«Le souhait, c’est de voir l’un d’entre vous remporter le championnat du monde. Là, vous êtes 30. Dans deux ans, vous ne serez peut-être plus que 10 ou 15 mais vous serez des soldats. On va y arriver!»
RR
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