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Conduite: «L’œil remplace les oreilles»

L’école de conduite Moov et l’association des déficients sensoriels de Mayotte (ADSM) permettent à des sourds d’apprendre à conduire, pour la première fois à Mayotte. Chacun doit s’adapter pour la réussite de l’expérience. La première leçon de code avait lieu cette semaine.

Manu du permis Moov et Lucie de l'ADMS expliquent le sens des panneaux
Manuel du permis Moov et Lucie de l’ADMS expliquent le sens des panneaux

«Bonjour, on est là pour avoir la liberté.» Lorsque Manuel Fransquin de l’auto-école Moov commence son premier cours de code avec ses nouveaux élèves, il parle de liberté mais il sait aussi que son initiative est au coeur du principe d’égalité.
Pour la première fois à Mayotte, il donne des leçons à des sourds qui vont suivre le code puis la conduite pour passer, comme n’importe quel citoyens, leur permis de conduire. «La sécurité routière, vous la connaissez depuis longtemps. Vous traversez sur un passage piéton, vous connaissez les feux…»

A l’origine de l’initiative, on trouve la volonté d’un jeune sourd de l’ADSM de passer son permis. Très vite, il apparaît que mobiliser un prof, un traducteur en langue des signes (interface) et une salle pendant deux heures, représente une logistique trop importante pour un seul élève. A l’ADSM, Julie Mingot va alors monter un projet pour constituer un groupe et mettre en place une véritable promotion. Ils étaient huit pour les deux premières heures de cours hebdomadaires ce jeudi matin.

Une chance inédite

Julie Mingot de l'ADSM assiste à la première leçon de code avec la promotion qu'elle a organisée
Julie Mingot de l’ADSM assiste à la première leçon de code avec la promotion qu’elle a organisée

«Je suis comme eux, je débarque et je suis impatient, confiait Manuel, avant la première leçon. Pour moi aucune inquiétude. Je sais qu’ils vont avoir les mêmes difficultés que les autres élèves, mais l’avantage c’est qu’ils sont motivés et qu’ils vont être impliqués. Ils se rendent compte qu’on leur donne une chance qu’ils n’ont jamais eue.» Avec ce partenariat, l’auto-école Moov offre le code à ces élèves. Pour la conduite, en revanche, les jeunes vont devoir participer pour couvrir une partie des frais d’essence et de véhicule.

Les défis à relever avec cette première promotion de sourds sont pourtant nombreux. Ces jeunes n’ont quasiment pas été scolarisés, ils n’ont souvent que très peu de notions de français écrit. Ils doivent donc également apprendre l’ensemble des mots que l’on rencontre sur la route, comme «déviation» ou «chaussée».

Lors de ce premier cours, il a fallu par exemple traduire en langue des signes la notion d’arrêt et de stationnement, la différence étant que le conducteur est présent ou non dans son véhicule. «Il y a des notions très importantes que l’on doit faire passer. La différence entre ‘Je dois’ et ‘Je peux’ est par exemple essentielle», confie Manu.

Une vigilance accrue

En France, les sourds peuvent conduire depuis 1959. A la suite d’une action des associations et de diverses études qui concluaient à l’absence de dangerosité particulière des sourds sur la route, l’Etat leur avait accordé le droit de passer leur permis.

Première leçon: la panneaux ronds signalent une obligation, les triangles poour un danger
Première leçon: la panneaux ronds signalent une obligation, les triangles pour un danger

«Les sourds sont très vigilants sur la route et ils ont très peu de problèmes car on sait que la plupart des accidents sont causés par un manque de vigilance», explique Julie Mingot, chargée de mission à l’ADSM. «Pour eux, l’œil remplace les oreilles. Ils sont capables de savoir en permanence tout ce qui passe autour d’eux. Regarder dans les rétroviseurs, c’est un réflexe évident pour un sourd.» De la même façon, ils sont beaucoup sensibles aux vibrations qu’une personne entendante. Ils sont ainsi alertés sur un problème de moteur. Quant à savoir à quel moment changer de vitesse, il suffit de jeter un œil sur le compte-tour.

«Cette première promotion a été très peu scolarisée, relève Julie Mingot. Ca ne sera pas le cas de la suivante. Les prochains élèves auront donc l’ASSRA, l’attestation scolaire de sécurité routière. Ils disposeront de bases plus solides pour aborder ces leçons.» La bonne volonté de Manuel Fransquin pour la réussite du projet est manifeste : «Ca marche ailleurs, il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas ici. Et si ça prend un an, ça prendra un an. On va y arriver !»
RR
Le Journal de Mayotte

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