CARNET DE JUSTICE DU JDM. Le président de la Chambre d’agriculture a déjà eu affaire avec la justice. Ce mardi 17 juin, c’est une histoire plus personnelle qui amène Mouslim Payet à la barre de l’audience correctionnelle. Il était convoqué pour répondre d’un accident de route, presque banal et dans un premier temps réglé à l’amiable.
Fin décembre 2012, au volant de son véhicule, il dépose quelqu’un sur le bord de la route. Il fait alors une longue marche arrière sur la chaussée et percute une femme. L’accident est grave. Transportée d’urgence à l’hôpital, elle est grièvement blessée au genou. Plâtrée, elle est immobilisée pendant deux mois chez elle et se voit délivrer un certificat d’ITT de 30 jours.
Mouslim Payet fait face. Immédiatement après le choc, il descend du véhicule et lui porte assistance. Il ira également la voir à l’hôpital et l’accident semble parti pour se régler à l’amiable. Une fois la victime rentrée chez elle, il lui rend à nouveau visite, lui fait des courses -du riz et des mabawas- et convient avec elle d’un dédommagement. Il lui propose 500 euros, «je trouvais que c’était une somme raisonnable pour l’aider», explique-t-il simplement. La femme ne dispose que de faibles revenus.
Mais finalement, la bouéni va tout de même voir les gendarmes pour porter plainte. Elle pense que ses blessures méritent une plus grande indemnité que celle qu’elle a reçue.
«Suite à cet accident, son emploi aidé n’a pas été renouvelé, justifie Me Journiac, son avocate. Elle est seule et doit faire face à une profonde douleur psychique mais aussi physique. Elle est toujours sous antidouleurs.» Et la plaignante de réclamer 10.000 euros à titre de provision en attendant une expertise médicale. La somme surprend.
Il est interdit de reculer sur la route
Pour le procureur Alik, deux points sont à noter. Le premier concerne la marche arrière, «c’est interdit quand on est au volant sur une route.» Le deuxième porte sur le règlement amiable. «Pourquoi n’a-t-il pas déclaré le sinistre à son assurance ? Madame a 30 jours d’ITT tout de même. Il est élu, il sait ce qu’il faut faire en général.» Le procureur demande 6 mois de suspension du permis de conduire et 1.500 euros d’amende.
Me Ahamada, l’avocat de Mouslim Payet se lance alors dans une plaidoirie au franc parler dont il a le secret. Une interdiction du permis de conduire ? Ça serait «une mort sociale !» A Mayotte, «c’est l’outil de travail numéro un. Tout le monde ici a un véhicule !» Pas de chance, dans la salle d’audience, le procureur n’en a pas. L’avocate de la défense non plus.
Ne pas appeler l’assurance ? «On fait toujours comme ça quand on estime qu’un accident est minime.» Minime pour 30 jours d’ITT, l’expression fait tiquer le président Soubeyran.
Une expertise médicale pour lever les doutes
Finalement, Me Ahamada met en avant ses doutes sur la réalité du préjudice pour la victime. «Quand elle est venue déposer plainte, le gendarme écrit qu’elle marche normalement !» Les antidouleurs qu’elle prend, «ça date de la semaine dernière, le 14 juin. On se précipite, on va voir le médecin, c’est pour les besoins de la cause… On a bien préparé cette audience, c’est de bonne guerre.» S’il ne remet pas en cause les faits, pour lui, la victime «veut gagner de l’argent, c’est humain. Monsieur Payet est président de la chambre d’agriculture, on pense qu’il a plein d’argent, On essaie d’en avoir.»
Il conclut d’un cinglant, «moi, je dis que c’est du cinéma.» Il réclame une expertise médicale.
Finalement, le tribunal reconnaît Mouslim Payet coupable dans cette affaire et le condamne à 2 mois de suspension de permis et 800 euros d’amende. Une expertise médicale est demandée pour certifier des conséquences de cet accident sur la victime et Mouslim Payet devra effectuer une provision de 2.000 euros.
En sortant de la salle d’audience, il convenait avec son avocat d’accepter le jugement. Il ne fera pas appel de la décision.
RR
Le Journal de Mayotte