Saisie en référée, la justice devait statuer sur le blocage des camions frais de la Sodifram par les grévistes de Force ouvrière. Elle donne raison à la direction.
Il n’était évidemment pas question pour la justice de remettre en cause le droit de grève. A plusieurs reprises, la présidente Piazza rappelait précisément quel était son rôle : établir si la grève déclenchée lundi à la Sodifram était constitutive d’un abus. Hier, mercredi après-midi, lors de l’audience, elle posait, à plusieurs reprises la question à laquelle elle devait répondre : «Est-il exact que les livraisons des magasins sont impossibles parce que les camions sont bloquées?»
C’est donc un conflit social et les relations entre un syndicat et une direction d’entreprise qui se sont étalés à la barre du tribunal.
Le premier à prendre la parole, Maître Monsuf Saïd Ibrahim, l’avocat de la Sodifram qui représentait la direction. Après avoir rappelé, lui aussi, que le droit de grève est un «un droit absolu», il déroulait ses arguments. Pour lui, ce mouvement ne concerne qu’une «infime minorité de salariés» qui ne portent qu’une seule revendication, la défense du délégué syndical. «Notre démarche consiste à protéger les 500 autres salariés qui ne font pas grève» a-t-il affirmé. Lundi et mardi, la direction a fait constater par huissier le blocage de l’accès des entrepôts frigorifiques et l’impossibilité de réapprovisionner les magasins. Hier mercredi matin, l’huissier a également constaté le blocage du magasin HD, «par une trentaine de grévistes».
Pour l’avocat du groupe, la conséquence est claire, «les marchandises commencent à manquer» dans les supermarchés et le préjudice pour l’entreprise est d’ores-et-déjà important.
Il réclamait la «libération des sites pour permettre à la société de fonctionner normalement», 250 euros d’astreinte par jour et par gréviste qui poursuivrait malgré tout le blocage et le recours à la force publique en ultime solution.
«Votre ordonnance doit avoir une valeur pédagogique», prévenait l’avocat, faisant référence à des conflits passés y compris chez Jumbo Score, le concurrent. «Il s’avère important de reconnaitre aux autres salariés le droit de travailler.»
«On aime la Sodifram»
Cinq salariés en grève ont ensuite, tour à tour, eu l’occasion de faire valoir leurs arguments à la barre. «Nous sommes presque 300 dehors», affirme une première gréviste. «Nous, on est là pour défendre les salariés, un salarié comme tous les salariés. On le fera toujours.»
C’est finalement le fameux délégué syndical, Taanli Mouhoudhoir, qui vient défendre le mouvement. Il rappelle que la grève devait débuter le lundi 2 juin. Le syndicat l’avait décalé d’une semaine pour «faciliter l’installation de discussions avec la direction» mais elles n’ont pas abouti. Outre son cas, les négociations concernaient les primes des agents travaillant dans les zones de froid, les prêts mis en place par le comité d’entreprise mais aussi «les discriminations» subies, selon le syndicat, par les salariés qui soutiennent le syndicat dans ses actions.
Quant au blocage, il évacue la question d’un revers de main. Les camions frigorifiques que les grévistes ont bloqués étaient conduits par des gens qui n’avaient pas le permis. Pour FO, il s’agissait d’une mise en scène pour l’huissier.
«Nous ne demandons qu’une seule chose, négocier, concluait Taanli Mouhoudhoir. Nous ne sommes pas là pour détruire la société. Pendant la vie chère, celui qui a poussé pour que FO sorte de la grève, c’est moi ! Nous, on aime la Sodifram. Ca fait 18 ans qui j’y travaille. Mais on constate que la Sodifram ce n’est pas que la patronne. Certains cadres font tout pour que ça ne fonctionne pas.»
Ce jeudi matin, la justice a rendu sa décision. Elle constate que les personnes qui ont comparu ont abusé de leur droit de grève. Elle interdit tout blocage des camions de la Sodifram à partir de demain. Une astreinte de 50 euros par jour et par gréviste qui ne respecterait pas cette décision est également décidée.
RR
Le Journal de Mayotte