Il ne s’agit plus seulement de parler de peine alternative à la prison, mais désormais de proposer une solution qui aille dans l’intérêt de la société et du prévenu.
Qu’est ce que l’intérêt général quand on parle peine de prison ? «On considère que le préjudice commis par l’acte de délinquance n’impacte pas seulement une victime mais la société entière.» Thibaut Soubeyran, juge au Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou, justifie ainsi la proposition de travail non rémunéré en réparation d’un délit ou d’une contravention.
Cela fait 30 ans que cette conception d’une alternative à l’incarcération à des courtes peines est proposée en France, «invention anglo-saxonne de la fin du 19ème siècle» complète, grand orateur, Xavier Lameyre, criminologue et vice-président du TGI chargé de l’application des peines.
Et, bien que Mayotte n’y ait recours que depuis 5 ans, pour célébrer cet anniversaire, magistrats, juges et auxiliaires de justice du TGI de Mamoudzou recevaient les acteurs accompagnant cette mesure. La salle d’audience de la Chambre d’appel accueillait même en cours de matinée, Naima Charaï, présidente de l’ACSé (Agence nationale pour la Cohésion sociale et l’Egalité des chances).
Un condamné qui ne coupe pas les ponts
Depuis le début de l’année, 23 personnes condamnées purgent leur peine en TIG. Le travail non rémunéré varie de 20 à 210 heures, soit 6 semaines au maximum. Il est effectué dans une des 12 mairies volontaires ou dans une structure agréée comme les pompiers ou le BSMA. Pour Xavier Lameyre, il est la réponse idéale : «il n’y a pas de corrélation entre la sévérité de la peine et le taux de délinquance. La France un pays coercitif de réputation, n’est pas le plus épargné par la délinquance». L’isolement du condamné ne doit pas être automatique non plus pour des actes graves, «la Finlande propose cette solution du TIG lors d’affaires criminelles».
Pour Thibaut Soubeyran aussi, cette peine d’insertion présente de multiples intérêts : «contrairement au jugement de prison avec sursis, la décision du TIG n’est pas transparente dans la vie quotidienne du condamné, et le choix de cette peine le responsabilise et accroît sa compréhension d’une dette envers la société». Les contraintes, «se lever le matin, obéir à un cadre, à des règles, l’éloigne de son cadre quotidien et restaure sa confiance en lui».
Même le parquet y allait de son couplet, «un jugement de prison ferme avec mandat de dépôt est toujours un constat d’échec».
Des prisons malades
Les louanges sont d’autant plus recevables que les chiffres les appuient : «à infraction délictuelle équivalente, et sans prendre en compte des critères sociologiques ou psychologiques, le taux de réitération (récidive, ndlr) est de 30 à 48% dans les trois mois pour ceux qui sont passés par un TIG, alors qu’il est de 75% pour ceux qui sortent d’un emprisonnement !» argumente Xavier Lameyre citant une étude d’Annie Quensey, «un hôpital dont les patients déclareraient une maladie nosocomiale trois mois après leur sortie fermerait ses portes immédiatement !».
Les TIG ont pourtant du mal à se développer à Mayotte, principalement en raison des contraintes administratives : «un certificat médical, et un RIB pour ouvrir les droits à la Sécurité sociale et surtout la formation des encadrants des TIG» égrenait Rose-France Reynes, du Service pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP). Cette dernière demande était aussitôt relevée par Naima Charaï qui indiquait y avoir donné suite : «15 tuteurs seront formés dès l’année prochaine».
Autre bonne nouvelle, vingt postes supplémentaires vont être créés, notamment à La Poste, chez les Naturalistes, à la mairie de Koungou qui en prendra 7, chez l’association Gueule d’amour pour aider à la construction d’un refuge, à la STAR pour l’entretien des espaces verts et à la Croix rouge pour le tri des vêtements.
On le voit, Mayotte s’inscrit désormais de façon pérenne dans ce choix de peine, que les parents des jeunes appellent la «corvée» de leur fils ou fille, «ça légitime la peine» glissait Ibrahim Hamed éducateur à la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
Anne Perzo-Lafond